La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 331<br />
p.446 Là-<strong>des</strong>sus Philopatros s’éch<strong>au</strong>ffe. Ces Encyclopédistes, et les gens de<br />
lettres qui les suivent, disent quelquefois <strong>des</strong> bêtises. <strong>La</strong> terre entière est<br />
l’habitation <strong>des</strong> hommes : d’ac cord ; inutile de développer avec emphase une<br />
vérité <strong>au</strong>ssi triviale. Le sage est citoyen du monde : d’accord. Il ne s’ensuit<br />
pas qu’il doive être un errant qui, ne tenant à rien, court le monde par ennui, et<br />
devient vagabond par nécessité. Que diraient les Encyclopédistes, si la Patrie<br />
elle-même se présentait à eux, et leur tenait ce langage : « Enfants dénaturés<br />
<strong>au</strong>tant qu’ingrats, <strong>au</strong>xquels j’ai donné le jour, serez -vous toujours insensibles<br />
<strong>au</strong>x bienfaits dont je vous comble ? D’où tenez -vous vos aïeux ? C’est moi<br />
qui les ai produits. D’où ont -ils tiré leur nourriture ? De ma fécondité<br />
inépuisable. Leur éducation ? Ils me la doivent. Leurs biens et leurs<br />
possessions ? C’est mon sol qui les fournit. Vous -mêmes, vous êtes nés dans<br />
mon sein... » Si la Patrie lui tenait ce langage, voici comment il répondrait :<br />
« Mon coeur, vivement touché de tendresse et de reconnaissance, n’avait pas<br />
besoin de vous voir et de vous entendre pour vous aimer. Oui, je confesse que<br />
je vous dois tout, <strong>au</strong>ssi vous suis-je <strong>au</strong>ssi indissolublement que tendrement<br />
attaché ; mon amour et ma reconnaissance n’<strong>au</strong>ront de fin qu’avec ma vie ;<br />
cette vie même est votre bien ; quand vous me la redemanderez, je vous la<br />
sacrifierai avec plaisir. Mourir pour vous, c’est vivre éternellement dans la<br />
mémoire <strong>des</strong> hommes ; je ne puis vous servir sans me combler de gloire... »<br />
Philopatros s’excuse de son lyrisme :<br />
« Pardonnez-moi, mon cher ami, ce mouvement d’enthousiasme où mon<br />
zèle m’emporte. Vous voyez mon âme toute nue... »<br />
1780. De la littérature allemande, <strong>des</strong> déf<strong>au</strong>ts qu’on peut lui reprocher ;<br />
quelles en sont les c<strong>au</strong>ses, et par quels moyens on peut les corriger.<br />
Ce même Frédéric II sait que les Allemands s’étonnent de sa prédilection<br />
pour une littérature étrangère : il va s’expli quer, se disculper presque.<br />
Raisonnons : notre Allemagne n’est pas encore arrivée à son point de<br />
maturité, elle ne possède même pas encore une langue commune : comment<br />
produirait-elle <strong>des</strong> chefs-d’oeuvre ? Nos pères ont bien rempli leur tâche en<br />
rendant la patrie forte et prospère ; c’était le premier travail à accomplir, le<br />
soin de la parure ne venant p.447 que plus tard. Aujourd’hui, le goût général est<br />
si décidé pour tout ce qui peut illustrer cette patrie glorieuse, que nous<br />
désirons nous introduire à notre tour dans le Temple de mémoire : encore<br />
devons-nous mériter ce couronnement. Que nos écrivains se mettent donc à<br />
l’école <strong>des</strong> classiques anciens, à l’école <strong>des</strong> classiques seconds, les Français :<br />
qu’ils se gardent d’imiter un Shakespeare dont les tragédies ne sont que <strong>des</strong><br />
« farces ridicules, dignes <strong>des</strong> s<strong>au</strong>vages du Canada ». Qu’est -ce que Goetz von<br />
Berlichingen, qui paraît <strong>au</strong>jourd’hui sur la scène, sinon une imitation<br />
détestable <strong>des</strong> m<strong>au</strong>vaises pièces anglaises ? Pourtant le parterre appl<strong>au</strong>dit avec<br />
enthousiasme et demande la répétition de ces « dégoûtantes platitu<strong>des</strong> »... En<br />
ces termes Frédéric II se justifie, désavouant la jeune littérature allemande. Il