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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 333<br />

lorsqu’il écrivait sereinement que le temps était venu de dire : le monde<br />

français.<br />

Il n’y <strong>au</strong>rait pas de concorde spirituelle, inspirée par une nation vivante ;<br />

et même une certaine commun<strong>au</strong>té de culture était menacée. Au temps de la<br />

grande période classique, tous les enfants de bonne race avaient vécu en<br />

compagnie de César, de Tite-Live, de Virgile ; ils avaient hésité entre Annibal<br />

et Scipion ; ils avaient rêvé d’imiter les héros de Plutarque : l’Urbs était leur<br />

cité. Quand ces enfants s’étaient dispersés, et qu’ils étaient devenus <strong>des</strong><br />

hommes, ils n’étaient p.449 pas tout à fait perdus : restait un moment de la<br />

durée, un intervalle dans l’espace, où ils avaient pensé en commun ; restaient<br />

de communs souvenirs, une commune mesure selon laquelle ils jugeaient le<br />

présent ; ensemble ils avaient habité une île fortunée, dont ils retrouvaient le<br />

souvenir. Mais la nouvelle éducation, l’appétit du moderne, la recherche d’un<br />

progrès que chacun pouvait imaginer d’après son mirage individuel, tendaient<br />

à abolir ce passé qui les avait unis.<br />

Il n’y <strong>au</strong>rait pas de concorde politique : tout <strong>au</strong> plus <strong>des</strong> coalitions<br />

provisoires, qui se déferaient comme elles s’étaient faites, toujours. <strong>Les</strong> sages<br />

philosophes ne gouverneraient pas les États, mais bien plutôt Machiavel,<br />

opiniâtre, et triomphant. Il n’y <strong>au</strong>rait pas de paix universelle ; seulement <strong>des</strong><br />

trêves, pendant lesquelles on se préparerait à la guerre, en cherchant de<br />

meilleurs moyens de s’entretuer. Car la scienc e <strong>au</strong>gmenterait, comme on<br />

l’avait espéré, la puissance de l’homme, mais <strong>au</strong>gmenterait du même coup sa<br />

puissance de détruire. Le XVIII e <strong>siècle</strong> finirait par les guerres de la<br />

Révolution, le XIX e commencerait par les guerres de l’Empire.<br />

Et cela continuerait : <strong>des</strong> guerres, <strong>des</strong> révolutions, <strong>des</strong> catastrophes<br />

amplifiées. A l’Europe, fait géographique difficile à définir, similitu<strong>des</strong><br />

vagues, velléités de former un tout, projets idéologiques, aspiration à <strong>des</strong><br />

lendemains où les m<strong>au</strong>x cruellement sentis s’atténueraient par le bienfait<br />

d’une union véritable, s’opposerait la f<strong>au</strong>sse Europe, chaos d’inté rêts et de<br />

passions. Le monde entier serait bouleversé, à la fin.<br />

N’y a -t-il pas d’<strong>au</strong>tre constatation à faire, dans l’ordre de l’esprit ? Rien<br />

d’<strong>au</strong>tre que cette confusion, que ces aigreurs, que ces perpétuelles luttes ? que<br />

ces tempêtes, que ces n<strong>au</strong>frages, que ces épaves ? F<strong>au</strong>t-il n’aboutir qu’<strong>au</strong><br />

désespoir ? Il f<strong>au</strong>t pourtant bien que l’Europe possède quelque force<br />

in<strong>des</strong>tructible, puisque <strong>au</strong> milieu de catastrophes inouïes, elle continue à<br />

vivre.<br />

Nous nous sommes demandé quelle était cette force, en étudiant la période<br />

de l’histoire de ses idées qui va de 1680 à 1715 ; et après avoir dit qu’elle était<br />

d’abord un acharne ment de voisins qui se battent, nous ajoutions : « Qu’est -ce<br />

que l’Europe ? — Une <strong>pensée</strong> qui ne se contente jamais. Sans pitié pour<br />

elle-même, elle ne cesse jamais de poursuivre deux p.450 quêtes : l’une vers le

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