La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 143<br />
et le droit naturel. Il en est qui poussent le souci d’une préparation pra tique<br />
jusqu’à proposer l’apprentissage <strong>des</strong> arts mécaniques : il sera plus précieux à<br />
un jeune homme de savoir comment se font les souliers qu’il porte, que de<br />
répéter Aristote. Pourquoi n’y <strong>au</strong>rait -il pas dans l’enceinte du collège <strong>des</strong><br />
outils de différentes sortes ? et <strong>au</strong>tour du collège, <strong>des</strong> boutiques d’ouvriers ?<br />
Un exprès ferait mouvoir les machines à mesure qu’il les montrerait <strong>au</strong>x<br />
enfants, tisseranderie, imprimerie, horlogerie, et <strong>au</strong>tres métiers.<br />
Il f<strong>au</strong>t que l’esprit de l’enseignement soit changé. Methodus erudiendae<br />
juventutis naturalis, écrit en 1752 Basedow, qui prélude à sa carrière de<br />
réformateur 1. Étant entendu, une fois de plus, qu’il n’y a rien d’inné dans<br />
l’âme et que celle -ci p.196 se développe par l’apport <strong>des</strong> sensations qui, peu à<br />
peu, se transforment en idées abstraites : l’éducation doit se conformer à la loi<br />
de la vie psychologique ; elle doit être progressive. Au lieu de s’appliquer du<br />
dehors, et avec une rigueur plus ou moins déguisée, sur une âme en formation,<br />
elle suivra de l’intérieu r les mouvements de cette âme. <strong>Les</strong> conséquences de<br />
ce principe sont incalculables.<br />
<strong>La</strong> créature sera digne d’intérêt dès son berce<strong>au</strong>. Le père et la mère, <strong>au</strong><br />
lieu de l’abandonner <strong>au</strong>x domestiques et de la négliger sous prétexte qu’elle<br />
n’a pas encore l’âge de raison, se pencheront sur elle pour diriger son<br />
développement. Le père lui enseignera les bonnes moeurs par son exemple ;<br />
avant que l’enfant sache même ce que c’est que la vertu, il lui confiera les<br />
germes de sagesse que l’avenir fera lever. Le rôle de la mère ne sera pas<br />
moins considérable ; il lui appartiendra de montrer combien cette même vertu<br />
est aimable et douce. Tous deux réunis joueront le rôle d’éducateurs avant que<br />
ne commence l’éducation.<br />
L’enfant <strong>au</strong>ra un corps. <strong>La</strong> façon dont on l’habille, dont on le couche, <strong>au</strong>ra<br />
son importance ; on surveillera particulièrement sa nourriture. Car nous<br />
connaissons trop de ces petites filles qu’on laisse se bourrer de sucreries, de<br />
ces jeunes seigneurs qui assaisonnent de pickles tous leurs repas, qui prennent<br />
de bonne heure l’habitude de l’ivrognerie ; nous avons été souvent les témoins<br />
<strong>des</strong> indigestions qu’on guérit par <strong>des</strong> médecines qui sont quelquefois pires que<br />
le mal. Ils boiront tant qu’ils voudront <strong>au</strong>x repas, mais entre les repas ils ne<br />
boiront jamais : ils mangeront <strong>des</strong> vian<strong>des</strong> communes qui les feront robustes ;<br />
ils éviteront les mets dont sortent <strong>des</strong> sucs qui imbibent les glan<strong>des</strong> du<br />
cerve<strong>au</strong> ; ils se mettront à table avec leurs parents, s<strong>au</strong>f quand ceux-ci<br />
régaleront quelque compagnie. Ce corps, dont on suivra la croissance, gagnera<br />
souplesse et vigueur par <strong>des</strong> exercices physiques. Il n’y <strong>au</strong>ra plus de petits<br />
impotents, ne sachant que faire de leurs mains et de leurs pieds. En élevant<br />
1 Pro summis in Philosophia honoribus rite consequendis inusitatam eamdemque optimam<br />
honestioris juventutis erudiendae methodum... publice predicandam dabit Joahannes<br />
Bernardus Basedow. Kiliae, 1752. Caput II : Methodus erudiendae Juventutis naturalis.