17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 180<br />

par sécheresse ; soit, chez d’<strong>au</strong>tres, par éloquence, ils n’ont pas restitué la<br />

simplicité vivante du réel. <strong>Les</strong> choses ne se sont pas présentées à eux dans<br />

leur substance charnelle. Solidement appuyé sur le sol de sa petite patrie ;<br />

comprenant que celui qui décompose les sons d’une symphonie ne jouit plus<br />

de l’impression totale ; sachant qu’il entre de la lâcheté dans la bravoure et de<br />

l’égoï sme dans l’altruisme : celui qui s’est approché de la Real geschichte est<br />

Justus Möser. Il a eu, et de plus en plus à mesure qu’il s’avançait dans la<br />

rédaction de son Osnabrückische Geschichte, le sens du complexe. Mais il est<br />

resté le moins européen de tous, en ce sens que sa renommée, grande en<br />

Allemagne, ne s’est pas étendue, et qu’il est demeuré un inconnu en<br />

comparaison <strong>des</strong> Montesquieu et <strong>des</strong> Voltaires, <strong>des</strong> Robertson et <strong>des</strong> Gibbon.<br />

Ont-ils renoncé, <strong>au</strong>tant qu’ils l’avaient décidé, <strong>au</strong>x explica tions par <strong>des</strong><br />

lois générales, risquant de retomber ainsi dans la métaphysique qu’ils avaient<br />

bannie ? Ils n’y ont pas renoncé. <strong>La</strong> loi de l’histoire était peut -être l’intérêt, le<br />

self love ; peut-être le dieu commerce, comme le voulait l’abbé Raynal, dans<br />

l’ Histoire philosophique et politique <strong>des</strong> établissements européens dans les<br />

deux In<strong>des</strong> ; peut-être un certain « esprit du temps » ; peut-être une<br />

concomitance d’effets : « Trois choses influent sans cesse sur l’esprit <strong>des</strong><br />

hommes, le climat, le gouvernement et la religion. C’est la seule manière<br />

d’expliquer l’énigme de ce monde 1 » ; peut-être une fatalité, qui se<br />

manifestait par une éclatante disproportion entre <strong>des</strong> c<strong>au</strong>ses, si menues<br />

qu’elles étaient à peine perceptibles, et <strong>des</strong> effets presque incommensurables...<br />

Ils voulaient rendre compte <strong>des</strong> phénomènes, sans remonter <strong>au</strong>x c<strong>au</strong>ses<br />

premières ; et ceci dit, c’était la c<strong>au</strong>se première qu’ils s’obstinaient à chercher.<br />

En conséquence, ils n’ont pas écrit l’histoire parfaite l’histoire parfaite,<br />

qui l’écrira jamais ? Mais ils ont bien rempli leur tâche, à grande difficulté et à<br />

grand honneur. Ils n’aimaient l’érudition que lorsqu’elle était un peu égayée :<br />

et pourtant, ils ont compris la valeur du témoignage, et c’est sur <strong>des</strong> docu -<br />

ments <strong>au</strong>thentiques qu’ils ont essayé de bâti r. Élaguant, p.245 déblayant,<br />

dénonçant le mensonge, ils ont préparé les voies de l’avenir. Combattus entre<br />

leur philosophie, qui voulait être empiriste et qui n’admettait que le fait, et<br />

leur tendance naturelle, qui les portait vers l’abstraction, vers l’ a priori, vers<br />

les grands systèmes <strong>au</strong>xquels il f<strong>au</strong>t que le réel se soumette, bon gré mal gré<br />

— ils n’ont pas toujours, mais ils ont souvent sacrifié leur préférence intime à<br />

la méthode historique qu’ils avaient su dégager. Ils ont laissé <strong>des</strong><br />

chefs-d’oeuvre . Juste prix de l’intelligence qui a donné sa marque à toute la<br />

littérature du <strong>siècle</strong>.<br />

1 Essai sur les Moeurs, chap. CXCVII.<br />

*<br />

* *

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!