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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 224<br />

CHAPITRE III<br />

Nature et bonté. L’optimisme<br />

p.304 Que la nature fût bonté, c’est ce que les philosophes crurent d’abord ;<br />

ce fut <strong>au</strong>ssi ce qu’ ils cessèrent de croire, après y avoir mieux réfléchi.<br />

Pourquoi y a-t-il tant de souffrance sur la terre ? Pourquoi tant d’injustices<br />

et pourquoi tant de crimes ? S’il existe un Dieu de sagesse et de bonté,<br />

pourquoi a-t-il toléré, a-t-il suscité le mal ? Depuis Job, depuis Adam<br />

peut-être, cette même question s’était élevée vers le ciel.<br />

<strong>La</strong> volonté de la faire passer du plan religieux <strong>au</strong> plan purement<br />

philosophique prit forme dès 1702. Si l’ouvrage de William King, De Origine<br />

Mali, obtint alors du succès et souleva de l’émoi, c’est qu’il traduisait d’une<br />

façon plus ferme <strong>des</strong> opinions encore vagues et dispersées ; c’est qu’il se<br />

refusait de parler <strong>au</strong> nom du christianisme, dont l’<strong>au</strong>teur était cependant l’un<br />

<strong>des</strong> fermes défenseurs. Dans un latin encore scolastique, lourdement,<br />

puissamment, l’évêque anglican, faisant appel à l’intelligence de ses lecteurs<br />

et non pas à leur foi, prouvait que Dieu n’<strong>au</strong>rait été ni tout -puissant, ni<br />

infiniment bon, s’il n’avait toléré le mal. Car le mal n’est qu’une privation,<br />

n’est q u’une absence, privation et absence qui sont la condition même de<br />

l’existence <strong>des</strong> êtres créés. Du moment où Dieu, sous l’impulsion de sa bonté,<br />

avait décidé de créer, il ne pouvait pas créer la perfection, mais seulement<br />

l’imperfection, qui est du moins s upérieure <strong>au</strong> néant.<br />

Cependant Bayle, lisant l’analyse du livre de King par M. Bernard,<br />

accumulait les doutes. Peut-on dire que Dieu a créé le monde pour sa gloire ?<br />

peut-on dire que le mal était p.305 nécessaire, vraiment ? N’y <strong>au</strong>rait -il pas deux<br />

principes qui se contestent l’empire du monde, celui du bien, celui du mal ?<br />

Mais cette hypothèse même est-elle soutenable ? Quel système adopter dans<br />

un tel embarras ? L’origine du mal est obscure, plus difficile à trouver que les<br />

sources du Nil ; « elle est hors de portée de notre raison ».<br />

Continuant à réfléchir, et engageant avec le même M. Bernard une<br />

nouvelle discussion, il en venait bientôt à une <strong>au</strong>tre forme du même problème.<br />

Cette nature dont on commence à nous rebattre les oreilles, cette nature dont<br />

on nous affirme qu’elle est sage et qu’elle est bonne, il conviendrait pourtant<br />

de l’examiner d’un peu plus près. Qu’on nous dise donc, d’une part, « ce que<br />

c’est proprement qu’une chose qui émane de la nature » ; et de l’<strong>au</strong>tre, « si,<br />

pour savoir qu’une chose e st bonne, il suffit de savoir que la nature nous<br />

l’apprend ». On vient nous raconter que les enfants doivent honorer les pères,<br />

parce que c’est dans la nature : or, « il n’y a guère de mot dont on se serve<br />

d’une manière plus vague que celui de Nature ; il entre dans toute sorte de

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