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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 170<br />

écrivain a laissé, à côté de son oeuvre, une correspondance qui souvent p.231 est<br />

égale et quelquefois supérieure à elle. Le roman par lettres nous paraît<br />

artificiel, <strong>au</strong>jourd’hui ; il était naturel <strong>au</strong> temps où les lettres n’étaient pas la<br />

corvée, mais les délices de chaque jour.<br />

Encyclopédie, Article Hebdomadaire. « De la semaine. Ainsi, <strong>des</strong><br />

nouvelles hebdomadaires, <strong>des</strong> gazettes hebdomadaires, ce sont <strong>des</strong> nouvelles,<br />

<strong>des</strong> gazettes, qui se distribuent toutes les semaines. Tous ces papiers sont la<br />

pâture <strong>des</strong> ignorants, la ressource de ceux qui veulent parler et juger sans lire,<br />

et le flé<strong>au</strong> et le dégoût de ceux qui travaillent. Ils n’ont jamais fait produire<br />

une bonne ligne à un bon esprit, ni empêché un m<strong>au</strong>vais <strong>au</strong>teur de faire un<br />

m<strong>au</strong>vais ouvrage. » — Vaines aigreurs. Comment arrêter l’invasion, si elle<br />

était appelée par un besoin croissant de liaison ? <strong>Les</strong> successeurs de Steele et<br />

d’Addison avaient fait fortune dans leur propre pays : plus de cent cinquante<br />

périodiques s’offraient à la curiosi té du public anglais, lorsqu’en 1750,<br />

Samuel Johnson fit paraître son Rambler. D’Angleterre, les journ<strong>au</strong>x<br />

moralisants avaient essaimé partout, et jusque dans les pays qui accédaient<br />

plus tardivement <strong>au</strong> mouvement général, la Hongrie, la Pologne ; nulle part ils<br />

n’avaient rencontré climat plus favorable qu’en Allemagne. Depuis l’année<br />

1713, où parut à Hambourg le premier de la série, qui s’intitulait Der<br />

Vernünftige, Le Raisonnable, jusqu’à l’année 1761, on a compté cent<br />

quatre-vingt-deux revues du même genre. Or c’était encore un genre de<br />

correspondance, entre l’éditeur et les lecteurs ; un lien entre les membres<br />

d’une même classe, qui tous ensemble s’édu quaient, tous ensemble s’initiaient<br />

<strong>au</strong>x nouve<strong>au</strong>tés intellectuelles, tous ensemble se délectaient <strong>des</strong> lieux<br />

communs sur le mépris <strong>des</strong> richesses, sur la valeur de la vertu, sur la façon<br />

certaine d’atteindre le bonheur. Et comme si toutes ces revues nationales<br />

n’eussent pas suffi, d’<strong>au</strong>tres, internationales, acti vaient le mouvement d’une<br />

<strong>pensée</strong> dont l’échange devenait l’ambition et la loi.<br />

Peu à peu les petits genres se substituaient <strong>au</strong>x grands. F<strong>au</strong>te de réussir<br />

dans l’épopée, on se contentait du madrigal ; de courtes pièces de vers sur <strong>des</strong><br />

sujets galants remplaçaient les longs poèmes ; les mondains, las de jouer<br />

comédies et tragédies, en venaient <strong>au</strong>x proverbes ; l’opéra s’amoindrissait en<br />

opéra-comique, et la canzone devenait canzonetta. De même p.232 qu’en<br />

architecture on préférait <strong>au</strong>x vastes châte<strong>au</strong>x flanqués de leurs majestueuses<br />

ailes <strong>des</strong> pavillons légers, qu’en peinture les menus table<strong>au</strong>x succédaient <strong>au</strong>x<br />

fresques, que, dans le mobilier, les f<strong>au</strong>teuils moelleux prenaient la place <strong>des</strong><br />

vastes cathèdres, que dans l’aménagement de la vie le joli se substi tuait <strong>au</strong><br />

grand : de même en littérature, le goût n’allait plus <strong>au</strong>x constructions<br />

solennelles : on continuait à chérir la <strong>pensée</strong>, mais on mettait une coquetterie à<br />

se donner l’air de ne point penser gravement. <strong>Les</strong> écrivains, eux <strong>au</strong>ssi,<br />

abandonnaient la fresque pour le pastel ou la miniature. Même <strong>au</strong> temps de la<br />

grande effervescence, <strong>au</strong> temps de l’ Essay on Man et de l’ Encyclopédie,<br />

apparaissait cette contradiction ; ou pour mieux dire ce n’était pas une<br />

contradiction, c’était un étrange alliage, dont le secret s’est perdu. On <strong>au</strong>rait

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