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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 237<br />

nation était libre, et plus elle était cultivée ; plus elle était cultivée, et plus elle<br />

était forte ; quatre ou cinq bonnes lois suffisaient à établir la vertu. Trop naïfs<br />

regrets : pourquoi quelques philosophes ne s’assemblaie nt-ils pour légiférer et<br />

anéantir du coup l’injustice et le mal ?<br />

Il fallait bien constater, cependant, que les rois n’étaient pas si dégoûtés<br />

d’être <strong>des</strong> rois ; ni, dans les républiques, les stathouders ou les doges ; ni, où<br />

que ce fût, les ministres, les secrétaires d’État, les intendants, les commis ; et<br />

qu’<strong>au</strong> contraire, quiconque exerçait le plus petit commandement, loin de<br />

rejeter en pleurant cette <strong>au</strong>torité néfaste, la gardait ferme, selon les habitu<strong>des</strong><br />

les plus invétérées de notre espèce. Peut-être, après tout, n’y avait -il pas<br />

d’<strong>au</strong>tre droit que celui du plus fort, le monde est la maison <strong>des</strong> forts ; peut-être<br />

la loi naturelle consistait-elle dans le fait que le plus gros mangeait le plus<br />

petit. Il n’était même pas sûr que la liberté politique, si on ava it pu l’obtenir,<br />

fût l’universelle panacée ; et peut-être même était-il dangereux de tout<br />

attendre d’elle, sans songer à d’<strong>au</strong>tres servitu<strong>des</strong> qui demeuraient. <strong>La</strong> réforme<br />

sociale <strong>au</strong>rait dû marcher de pair avec la réforme politique, un grand trouble<br />

résulterait quelque jour de leur disparité ; certains allaient même jusqu’à dire<br />

que l’esclavage antique p.322 persistait, bien qu’il eût pris un nom plus doux.<br />

<strong>Les</strong> manouvriers, les journaliers <strong>des</strong> campagnes et <strong>des</strong> villes, étaient <strong>des</strong><br />

esclaves ; ce qu’ils avaient gagné à changer de nom était d’être tourmentés à<br />

chaque instant par la crainte de mourir de faim. On les disait libres : le fait est<br />

qu’ils ne tenaient plus à personne, mais que personne ne tenait plus à eux. Le<br />

temps n’était pas loin où Robespierre allait attaquer les Encyclopédistes, parce<br />

qu’ils avaient oublié la classe la plus misérable et la plus méritante de la<br />

nation.<br />

Pour interrompre une guerre commencée, il ne suffisait pas de se jeter<br />

entre deux armées déjà <strong>au</strong>x prises, en tenant d’une main un ram e<strong>au</strong> d’olivier,<br />

et de l’<strong>au</strong>tre une colombe ; à entendre un be<strong>au</strong> discours, les soldats<br />

n’abandonnaient pas leur fusil et les officiers ne brisaient pas leur épée ; en<br />

fait, quand ils avaient signé un traité, les princes le déchiraient, tout<br />

simplement. En 1742, l’année qui précéda sa mort, l’abbé de Saint -Pierre<br />

avait encore envoyé <strong>au</strong> roi de Prusse un ouvrage sur la manière de rétablir la<br />

paix en Europe et de la consolider pour toujours : or c’était en pleine guerre<br />

de succession d’Autriche. En 1766 une bonne âme avait fondé un prix de six<br />

cents livres pour l’orateur qui <strong>au</strong>rait le mieux parlé en faveur de la paix. Non<br />

seulement un orateur, mais trois ; non seulement un prix, mais trois prix, à<br />

décerner par l’Aca démie française, la Société typographique de Berne, et une<br />

Société littéraire de Hollande. <strong>Les</strong> Français, plus vifs, s’étaient trouvés les<br />

premiers prêts à porter leur jugement, et l’Aca démie avait adjugé le prix à M.<br />

de la Harpe. Mais malgré tant d’éloquence, la paix n’était jamais que pour<br />

demain, la paix s’obstinait à ne pas venir.<br />

du « capitaine philosophe » est exposée dans Il Capitano filosofo, de Paolo Mattia Doria,<br />

1739.

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