La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 144<br />
leurs fils à la dure, les pères les verront se fortifier de jour en jour. Tous<br />
moyens préconisés par Locke, et qui, venus d’Angleterre gagnent les <strong>au</strong>tres<br />
pays. « Un savant anglais, M. Locke, est entré sur toutes ces particularités<br />
dans un détail que je me garde d’adopter en tout. Notre délicatesse française et<br />
nos usages ne s’accom moderaient ni de tous ses p.197 régimes, ni de tous ses<br />
conseils. Il dit cependant de si bonnes choses, qu’<strong>au</strong> moins je me crois obligé<br />
de les indiquer en gros quand l’occasion se présentera 1. »<br />
Le choix du précepteur ne sera pas livré à l’aventure. Be<strong>au</strong>co up de<br />
qualités seront exigées de lui. Une vocation. De la science et de la moralité.<br />
De la fermeté et de la discrétion. Il y f<strong>au</strong>t les vertus d’un sage.<br />
Le cours même de l’éducation suivra celui de la nature. Il suffit, pour lui<br />
obéir, d’observer comment le s connaissances entrent dans l’esprit <strong>des</strong> enfants<br />
et comment les hommes faits en acquièrent eux-mêmes. « <strong>La</strong> première<br />
sensation est la première connaissance... » Donc, « le principe fondamental,<br />
de toute bonne méthode est de commencer par ce qui est sensible pour<br />
s’élever par degré à ce qui est intellectuel ; par ce qui est simple, pour<br />
parvenir à ce qui est composé ; de s’assurer <strong>des</strong> faits avant de rechercher les<br />
c<strong>au</strong>ses 2. »<br />
<strong>Les</strong> maîtres anciens, qui n’étaient pas si sots, savaient bien qu’on<br />
n’enseigne pas à un enfant de six ans ce qui convient à un jeune homme de<br />
seize, de dix-huit ou de vingt. Mais la tendance de leur esprit était normative :<br />
ce qu’ils imposaient à tous les âges, c’était la règle. <strong>Les</strong> maîtres de l’avenir<br />
suivront pas à pas, s’ils en croie nt les philosophes, la démarche d’un esprit en<br />
formation. Ils observeront l’éveil <strong>des</strong> facultés puériles ; ils satisferont celles<br />
qui se manifestent d’abord, la curiosité, l’esprit d’imitation, la mémoire ; s’il<br />
s’agit d’histoire naturelle, ils montreront d ’abord les arbres et les fruits, les<br />
oise<strong>au</strong>x et les insectes ; s’il s’agit de cosmographie, ils parleront du jour et de<br />
la nuit, de la lune et <strong>des</strong> étoiles ; s’il s’agit de physique, ils commenceront par<br />
<strong>des</strong> expériences amusantes ; s’il s’agit de latin, ils ne commenceront pas par la<br />
syntaxe. Lentement, prudemment, ils accéderont <strong>au</strong>x connaissances abstraites.<br />
L’éducation nouvelle s’accompagnera d’amour. <strong>Les</strong> obser vations<br />
grincheuses, les répriman<strong>des</strong> continuelles, la sévérité, en même temps que<br />
l’ennui, leur compagnon, dégoûtent les jeunes âmes. Le plaisir d’apprendre,<br />
l’estime et l’affection que s<strong>au</strong>ront gagner parents et professeurs, seront les<br />
adjuvants, naturels eux <strong>au</strong>ssi, d’une éducation bien conduite. <strong>Les</strong> p.198<br />
châtiments corporels, qu’on appliquait jadis si volontiers, seront abandonnés ;<br />
à peine serviront-ils encore pour quelques cas extrêmes. On ne fait pas entrer<br />
le savoir à coups de férule ; la violence ne produit jamais que rancune ou<br />
révolte.<br />
1 Le Père Poncelet, Principes génér<strong>au</strong>x pour servir à l’éducation <strong>des</strong> enfants... 1763. Livre<br />
III, Première époque.<br />
2 <strong>La</strong> Chalotais. Essai d’éducation nationale, 1763 .