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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 44<br />

compagnon inerte, <strong>au</strong> manuscrit qu’il a composé, copié et recopié <strong>au</strong> long de<br />

ses jours et de ses veilles. Confidence désespérée de l’homme qui n’a plus<br />

devant lui que le néant : « Après cela, que l’on en pense, que l’on en juge, que<br />

l’on en dise, et que l’on en fasse tout ce que l’on voudra dans le monde, je ne<br />

m’en embarrasse guère. Que les hommes s’accommodent et qu’ils se<br />

gouvernent comme ils veulent, qu’ils soient sa ges ou qu’ils soient fous, qu’ils<br />

soient bons ou qu’ils p.62 soient méchants, qu’ils disent ou qu’ils fassent de<br />

moi tout ce qu’ils voudront après ma mort, je m’en soucie fort peu. Je ne<br />

prends déjà presque plus de part à ce qui se fait dans le monde. <strong>Les</strong> morts<br />

avec lesquels je suis sur le point d’aller ne s’embarrassent plus de rien et ne se<br />

soucient plus de rien. Je finirai donc ceci par le rien, <strong>au</strong>ssi ne suis-je guère<br />

plus que rien, et bientôt je ne serai rien, etc. »<br />

Ce n’était pas la première fois qu’ un luthérien abandonnait sa croyance, et<br />

s’en allait vers la libre <strong>pensée</strong> ; voici l’allure que prit cette évolution chez un<br />

homme de ce temps-là, Johann Christian Edelmann.<br />

Il ne prenait pas ses racines dans le XVII e <strong>siècle</strong> <strong>au</strong>ssi profondément que<br />

Giannone et que Meslier ; il était né en 1698. Il s’était dirigé vers la carrière<br />

ecclésiastique, et après avoir traversé diverses écoles, en 1720 il avait fait ses<br />

étu<strong>des</strong> de théologie à l’Université d’Iéna. Il avait commencé à prêcher, et il lui<br />

arriva même de parler contre le socinianisme avec un zèle qui fut remarqué.<br />

Mais il avait gardé de ses professeurs la plus m<strong>au</strong>vaise idée ; ce qu’il avait<br />

appris chez eux ne valait pas une pipe de tabac ; les théologiens ne lui avaient<br />

enseigné que <strong>des</strong> sottises académiques, il avait été heureux de les fuir ; il avait<br />

bien le temps de devenir pasteur, il n’était pas si pressé. Aussi, pour connaître<br />

le monde, s’engagea -t-il dans le métier de précepteur. Ici encore il <strong>au</strong>rait pu se<br />

stabiliser, rien ne lui manquait de ce qui était nécessaire à son rôle : <strong>des</strong><br />

connaissances, de l’<strong>au</strong>torité, une curiosité très éveillée. Il était le familier qui<br />

est heureux de profiter <strong>des</strong> divertissements <strong>des</strong> nobles, la chasse en <strong>au</strong>tomne,<br />

le patinage et les bals en hiver ; qui ne craint pas, de lever les yeux sur la belle<br />

comtesse, laquelle le regarde à son tour. Et sa vie <strong>au</strong>rait pu continuer de la<br />

sorte. Mais justement il n’était pas stable, c’est la stabilité qui lui manquait le<br />

plus ; et il était brûlé d’orgueil.<br />

L’ Unpartheysche Kirchen und Ketzer Historie, de Gottfried Arnold, lui<br />

tombe sous la main et fait sur lui une impression décisive : Gottfried Arnold<br />

avait raison : c’étaient les héré tiques qui tenaient la vraie foi, ce n’étaient pas<br />

les orthodoxes. Adieu, luthéranisme ! Adieu, toute Église ! Comme il était à<br />

Dresde, un matin, il entendit une voix qui lui disait : Écris p.63 <strong>des</strong> Vérités<br />

Innocentes. Obéissant à cet appel mystérieux, il se mit à sa table de travail et<br />

commença la première <strong>des</strong> brochures qui devaient constituer plus tard toute<br />

une série, sous le titre, Unschuldige Wahrheiten ; et c’était pour démontrer<br />

l’indifférence <strong>des</strong> religions.<br />

<strong>La</strong> Vérité n’est pas dans l’orthodoxie, où est la vérité ? Peut-être chez les<br />

piétistes ? Il fut piétiste, pour un temps ; il fit partie de la secte <strong>des</strong> Inspirés :

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