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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 141<br />

Charles Rollin donne <strong>des</strong> gages à la philosophie. Il insiste sur le fait que si les<br />

élèves ont <strong>des</strong> devoirs envers leurs professeurs, les professeurs <strong>au</strong>ssi ont <strong>des</strong><br />

devoirs envers les élèves, et il insiste sur cette obligation. Mais quand on se<br />

rappelle la date de la publication de son traité, tant de revendications<br />

journellement exprimées, tant de violences et tant de révoltes, rien ne prév<strong>au</strong>t<br />

contre p.193 l’impression qu’il s’adresse <strong>au</strong>x honnêtes gens d’<strong>au</strong>trefois, à un<br />

XVII e <strong>siècle</strong> qui ne fait plus que se prolonger à contre-courant.<br />

Le présent exige <strong>au</strong>tre chose ; les contemporains soulignent les déf<strong>au</strong>ts de<br />

l’éducation qu’ils ont reçue et de celle qu’ils voient encore donner à leurs fils.<br />

Ils disent qu’<strong>au</strong> sortir du Collège un enfant ne sait rien, ou presque rien. Il<br />

ânonne un peu de latin, et à peine quelques mots de grec. Il sait par coeur les<br />

quatrains de Pibrac, la fables de <strong>La</strong> Fontaine qu’il entend mal, le catéchisme<br />

qu’il n’entend pas ; rien de plus. Là-<strong>des</strong>sus, on le met dans une Académie ; on<br />

lui donne un maître d’équitation, de danse, d’escrime, de musique ; il ne<br />

dépasse pas la connaissance <strong>des</strong> premiers éléments de la géométrie, et il fait<br />

mal une soustraction. Il complète son éducation dans le monde de la façon la<br />

plus superficielle et souvent la plus sotte... Si, <strong>au</strong> lieu de fréquenter les<br />

collèges il est mis entre les mains d’un précepteur, mi -cuistre et mi-laquais,<br />

son ignorance n’en devient que plus profonde, sa moralité que plus douteuse.<br />

Ce précepteur l’habitue à l’envie et à la malice, sous le nom d’émulation et de<br />

vivacité ; l’élève dans la croyance que l’argent e st de toutes les choses du<br />

monde la plus précieuse ; le persuade de la supériorité d’un fripon qui a du<br />

bien sur un homme de mérite qui n’a rien. Étrange façon de faire travailler un<br />

élève : « On dicte un long thème à un enfant, il emploie deux ou trois heures<br />

pour le mettre en latin, voilà du bon temps pour le maître. Il ne se plaint point<br />

de la longueur de sa tâche, surtout si on a la prudence de ne le gronder point<br />

pour les f<strong>au</strong>tes dont il l’a rempli, car il compose tout à son aise deux lignes, se<br />

repose, en fait deux ou trois <strong>au</strong>tres, puis badine ; il retourne encore à son<br />

thème, mange quelques fruits, va c<strong>au</strong>ser avec un domestique, revient, joue, se<br />

bat avec son camarade et arrive enfin par ces intervalles jusques <strong>au</strong> dernier<br />

mot. Lorsque par hasard il rencontre dans quelques lignes, on va crier miracle<br />

<strong>au</strong> père, les endroits où il a extravagué font rire, le nombre <strong>des</strong> corrections sert<br />

de preuve à l’attention du Précepteur, et quand tout le thème est mis <strong>au</strong> point,<br />

le père le regarde comme l’unique effet de l a main qui l’a écrit ; et en voyant<br />

ainsi passer son enfant par où il a passé lui-même, il se sent p.194 renaître et<br />

rajeunir avec plaisir dans cette chère image 1.<br />

S’il ne va pas dans une Académie, puis dans le monde, l’adolescent entre<br />

à l’Université : nouvelles infortunes. Car il ne fait qu’écrire sous la dictée,<br />

sans rien comprendre. On lui enseigne la scolastique, qui n’exerce jamais le<br />

jugement et charge la mémoire. On lui pose <strong>des</strong> questions à la manière<br />

gothique : Perroquet mignon, quotuplex c<strong>au</strong>sa ? Perroquet mignon, quotuplex<br />

1 J.-P. de Crousaz, Nouvelles Maximes sur l’éducation <strong>des</strong> enfants, 1718

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