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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 280<br />

fait effort pour donner de grands hommes. — Elle est capable de commettre<br />

d’étranges bévues et ne conseille pas toujours le bon parti dans le danger. —<br />

Elle est traîtresse, gardez-vous de vous fier toujours à son attrait. — Elle est<br />

cruelle ; elle extermine les êtres dont l’organisation s’arrange mal avec les lois<br />

de l’univers. — Elle est l’ennemie infatigable qui poursuit l’homme depuis sa<br />

naissance ; l’homme, s’il veut vivre, doit lutter contre elle en s’unissant <strong>au</strong>x<br />

<strong>au</strong>tres hommes, ses frères. Elle est immorale ; tout ce qui vit cherche son bien<br />

<strong>au</strong>x dépens d’<strong>au</strong>trui. Elle est incohérente. Elle est aveugle : elle ne veut pas,<br />

elle est, tout simplement. Est-elle, à proprement parler ? Multiplicité et<br />

enchaînure de séries contingentes, elle n’a pas en soi de raison d’être. Nos<br />

sens peuvent-ils l’atteindre ? Certaines c<strong>au</strong>ses <strong>des</strong> phénomènes sensibles n’ont<br />

pas de rapport avec nos sens...<br />

Mais parmi tant de sens, dont nous ne prétendons pas épuiser la liste, il en<br />

est un qui semble l’emporter : la Nature est l’instinct profond, qui anime<br />

l’individu, qui le magnifie, et qui lui confère sa grandeur privilégiée, fût -ce en<br />

opposition avec tout l’univers. Sans cet instinct, pas de caractères forts, pas de<br />

types origin<strong>au</strong>x, pas de génies. Sans lui, nous serions emportés dans le flot<br />

mouvant <strong>des</strong> choses. Car nous passons, sans que nous puissions connaître soit<br />

la place que nous p.380 occupons, soit les limites réelles du temps qui nous est<br />

assigné ; nous passons comme <strong>des</strong> éphémères ; le monde est un composé qui<br />

tend sans cesse à sa <strong>des</strong>truction, une succession rapide d’êtres qui<br />

s’entre -suivent, se poussent, et disparaissent : mais du moins l’individu<br />

obtient, par l’intensité de ses puis sances, ce que lui refuse la durée. Sans ce<br />

même instinct, nous serions un esclave dans un troupe<strong>au</strong> d’esclaves.<br />

L’individu peut bien essayer d’établir un compromis entre le spontané et<br />

l’acquis, le barbare et le corrompu ; il peut bien vouloir se bâtir une demeure<br />

intermédiaire entre la hutte et le palais <strong>au</strong> moment même où il pense se<br />

contenter de ce compromis, il pousse un cri et s’échappe :<br />

L’enfant de la nature abhorre l’esclavage ;<br />

Implacable ennemi de toute <strong>au</strong>torité,<br />

Il s’indigne du joug ; la contrainte l’outrage ;<br />

Liberté, c’est son Voeu ; son cri, c’est Liberté.<br />

Au mépris <strong>des</strong> liens de la société,<br />

Il réclame en secret son antique apanage.<br />

Des moeurs ou grimaces d’usage<br />

Ont be<strong>au</strong> servir de voile à sa férocité ;<br />

Une hypocrite urbanité,<br />

<strong>Les</strong> souplesses d’un tigre enchaîné dans sa cage,<br />

Ne trompent point l’oeil du sage ;<br />

Et dans les murs de la cité,<br />

Il reconnaît l’homme s<strong>au</strong>vage<br />

S’agitant dans les fers dont il est garrotté 1 .<br />

1 <strong>Les</strong> Eleuthéromanes, 1772.

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