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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 118<br />

Séthos de l’abbé Terrasson. Des tiné <strong>au</strong> trône d’Égypte, persécuté, banni,<br />

Séthos « emploie le temps d’un long exil à chercher <strong>des</strong> peuples inconnus<br />

qu’il délivre <strong>des</strong> persécutions les plus cruelles et dont il devient le législateur ;<br />

dans son retour, il s<strong>au</strong>ve par son courage une puissante république d’ un<br />

ennemi qui était à ses portes, et il n’exige d’elle pour sa récompense que le<br />

salut du peuple vaincu dont le roi ou le tyran l’avait attaqué ; rentré enfin dans<br />

sa patrie, il se rend le bienfaiteur de ceux qu’il avait sujet de regarder comme<br />

ses ennemis ou ses riv<strong>au</strong>x 1... » Séthos et ses semblables représentent non pas<br />

le f<strong>au</strong>x, mais le véritable héroïsme, l’héroïsme pacifique dont l’exemple<br />

convient seul à <strong>des</strong> âmes éclairées.<br />

A <strong>au</strong>cune époque sans doute, il n’y eut un tel affairement de moralistes ;<br />

non pas de ceux qui étudient le coeur humain : le coeur humain, on croyait<br />

savoir comment il était fait, toujours le même, partout le même, on n’y<br />

pouvait rien découvrir. Il s’agissait <strong>des</strong> théoriciens de la morale, non pas <strong>des</strong><br />

psychologues ; de ceux qui veulent donner <strong>des</strong> principes à notre conduite,<br />

d’abord. Il s’agissait de refaire une morale qui fût éclairée par les lumières.<br />

p.164 Le débat, Diderot l’a résumé en un court passage avec son habituelle<br />

vigueur. « Voulez-vous savoir l’histoire abrégée de notre m isère ? <strong>La</strong> voici. Il<br />

existait un homme naturel ; on a introduit <strong>au</strong> dedans de cet homme un homme<br />

artificiel, et il s’est élevé dans la caverne une guerre continuelle qui dure toute<br />

la vie. Tantôt l’homme naturel est le plus fort, tantôt il est terrassé par<br />

l’homme moral et artificiel ; et dans l’un et dans l’<strong>au</strong>tre cas le triste monstre<br />

est tiraillé, tenaillé, tourmenté, étendu sur la roue, sans cesse malheureux 2... »<br />

Ou plus simplement encore en une seule ligne : « On entend par moral ce qui,<br />

<strong>au</strong>près d’un h omme de bien, équiv<strong>au</strong>t <strong>au</strong> naturel 3. »<br />

« Suivons, en effet, la nature dans ses opérations premières : nos<br />

sensations sont agréables ou désagréables, elles nous apportent plaisir ou<br />

douleur. De l’expérience nous passons à la notion abstraite d’injure et de<br />

bienfait ; les traces imprimées de bonne heure dans l’âme se rendent<br />

ineffaçables, tourmentent le méchant <strong>au</strong> dedans de lui-même, consolent<br />

l’homme vertueux, et servent d’exemple <strong>au</strong> législateur 4. » Que si nous<br />

suivons la nature dans ses volontés manifestes, nous verrons que celle-ci est<br />

bonne, qu’elle tend <strong>au</strong> bonheur de l’homme ; et c’est en ceci encore qu’il f<strong>au</strong>t<br />

obéir à sa loi. On a commis une erreur initiale, on a cru que l’homme naissait<br />

vicieux et méchant, ou du moins qu’il l’était devenu, <strong>au</strong>ssitôt ap rès sa f<strong>au</strong>te<br />

originelle. D’où une morale atrabilaire, qui ne ten dait qu’à l’opprimer.<br />

Favorisons, <strong>au</strong> contraire, l’instinct qui nous porte à être heureux, et la raison<br />

1 Abbé Terrasson, Séthos, 1731, Préface, XV-XVI.<br />

2 Diderot, Supplément <strong>au</strong> voyage de Bougainville, 1772.<br />

3 Encyclopédie, article Leibnizianisme.<br />

4 Diderot, Apologie de l’Abbé de Pra<strong>des</strong>. OEuvres, I70.

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