La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 55<br />
règles, <strong>des</strong> préceptes et <strong>des</strong> rites, ils ont étouffé la substance de la foi ; ils ont<br />
transformé en pratiques extérieures, en rites désuets, la volonté de bien qui est<br />
la force profonde de la croyance. Au point où ils en sont arrivés, ces mêmes<br />
maîtres de l’Ég lise ont promu une théologie locale, une manifestation<br />
occasionnelle, une organisation sociale due à la circonstance, <strong>au</strong> rang de<br />
Credo et à la dignité de condition unique du Salut.<br />
Semler ne se tenait pas pour un impie, le moins du monde ; il pensait que<br />
les m<strong>au</strong>vais chrétiens étaient les théologiens de la vieille école, les orthodoxes<br />
qui se permettaient d’exclure de leur communion tel ou tel hérétique, comme<br />
si l’hérésie n’était pas, elle <strong>au</strong>ssi, un revêtement temporaire de la foi, une<br />
manifestation passagère de la croyance éternelle. <strong>Les</strong> ennemis du<br />
Christianisme étaient ceux qui niaient toute idée de révélation, laquelle<br />
demeurait comme un fait dont il avait donné, enfin, le sens véritable : une<br />
communication sans cesse renouvelée de Dieu à l’homme. Au nom de la<br />
critique, il montrait comment il voulait qu’on l’entendît désormais. Il<br />
s’appliquait à étudier le Nouve<strong>au</strong> Testament, et il affirmait qu’il n’y avait pas<br />
de raison profonde pour retenir tel ou tel texte, et pour exclure tel ou tel <strong>au</strong>tre,<br />
pas de raison pour choisir entre les textes du canon, puisque tous<br />
représentaient à quelque degré une forme locale et provisoire de la foi,<br />
historiquement explicable. De même il s’appliquait à étudier l’Ancien<br />
Testament, selon les plus rigoureuses métho<strong>des</strong> qu’il croya it exercer sans<br />
<strong>au</strong>cun parti pris, et il décrétait qu’il s’agissait là d’une oeuvre nationale juive,<br />
et de rien d’<strong>au</strong>tre. <strong>Les</strong> livres bibliques n’avaient pas été écrits pour révéler une<br />
religion, puisqu’ils contenaient <strong>des</strong> affirmations qui étaient opposées <strong>au</strong> x<br />
vérités de la révélation éternelle, c’est à celle -ci qu’il en revenait toujours. Le<br />
Dieu <strong>des</strong> juifs n’était pas le Dieu de la nature ; la vertu <strong>des</strong> juifs n’était pas la<br />
moralité qui découle <strong>des</strong> lois de la nature ; les juifs ne croyaient pas à<br />
l’immortalit é de l’âme, cette idée ne leur étant venue que sur p.78 le tard et<br />
après <strong>des</strong> influences étrangères, après la captivité de Babylone et de Perse : et<br />
donc, c’était un contresens que de vouloir donner la Bible comme la vérité et<br />
la vie. Elle était une image, un reflet qui valait <strong>au</strong> même titre que tant d’<strong>au</strong>tres<br />
reflets que l’on pouvait saisir en remontant le cours <strong>des</strong> âges, et par exemple<br />
chez les Païens. Car les Païens avaient, eux <strong>au</strong>ssi, représenté un moment de la<br />
Révélation éternelle ; et il y avait eu religion véritable chez eux, chaque fois<br />
qu’il y avait eu véritable moralité.<br />
*<br />
* *