La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 77<br />
chansons, inlassablement chantées par leur ennemis les Jansénistes, ennemis<br />
vaincus. Or, vers le milieu du <strong>siècle</strong>, ces critiques furent reprises, multipliées ;<br />
elles se firent violentes et menaçantes ; tous les actes <strong>des</strong> Jésuites furent<br />
interprétés à mal, toutes leurs erreurs devinrent criminelles : une vague<br />
d’opinion se souleva contre eux, et les emporta.<br />
C’est de Lisbonne que partit le signal : il fut donné par Sébastien-Joseph<br />
de Carvalho e Mello, en 1759 comte d’Oye ras, en 1770 marquis de Pombal. Il<br />
avait été chargé d’affaires à Londres, ambassadeur à Vienne ; en 1750, peu<br />
après son p.108 avènement, le roi Joseph I er l’avait appelé <strong>au</strong> ministère : il y prit<br />
un pouvoir qui bientôt devint dictatorial. Réformer le Portugal, voilà ce qu’il<br />
voulait faire ; transformer son désordre en discipline, sa misère en prospérité ;<br />
et tout de suite ; et sans épiloguer sur le choix <strong>des</strong> moyens, sur leur légalité,<br />
sur leur moralité ; pour lui ces deux derniers mots n’avaient guère de sens. Il<br />
brisait tous obstacles à l’<strong>au</strong>torité de l’État, à sa puis sance totale et souveraine.<br />
Il rencontra les Jésuites, et il engagea le combat. Contre eux il mena<br />
campagne, exploitant leurs faiblesses, leurs déf<strong>au</strong>ts, les jalousies et les haines<br />
qu’ils avaient soulevées. Il les frappa isol ément chaque fois qu’il en eut<br />
l’occasion. Puis vinrent les mesures décisives : en 1757, il leur défendit d’être<br />
désormais les confesseurs de la famille royale et les bannit de la cour ; en<br />
1758, il leur défendit de prêcher et de confesser dans tout le roy<strong>au</strong>me. Le 3<br />
septembre de la même année se produisit un attentat contre la vie du roi de<br />
Portugal, Joseph I er : Pombal impliqua les Jésuites dans le complot, en fit<br />
arrêter dix, emprisonner trois. Le 19 janvier 1759, les Pères furent internés<br />
dans leurs maisons et leurs biens confisqués. Le 17 septembre, cent trois<br />
Jésuites quittèrent le port de Lisbonne, expulsés. Le 5 octobre, parut un décret,<br />
en date du 3 septembre, les bannissant définitivement, leur interdisant sous<br />
peine de mort le séjour dans les domaines portugais. Parmi les Jésuites<br />
accusés d’avoir participé <strong>au</strong> complot se trouvait un P. Malagrida, avec lequel<br />
le ministre avait eu maille à partir <strong>au</strong>x colonies d’où il avait été rappelé, puis<br />
<strong>au</strong> Portugal. Dans le cachot du P. Malagrida, on saisit deux manuscrits par lui<br />
composés, l’un sur la vie de sainte Anne et l’<strong>au</strong>tre sur l’Antéchrist. C’en fut<br />
assez pour le déférer <strong>au</strong> tribunal de l’Inquisition comme hérétique ;<br />
l’Inquisition le condamna, et il mourut sur le bûcher, à quatre heures du matin,<br />
le 21 septembre 1761 : comme si le comte d’Oyeras avait eu besoin de cet<br />
<strong>au</strong>todafé et de ces flammes pour annoncer son triomphe à l’Europe.<br />
En France <strong>au</strong>ssi, l’impopularité <strong>des</strong> Jésuites était grande ; ils provoquèrent<br />
eux-mêmes les foudres qui s’apprêtaient, et de deux façons. Le P. Berruyer<br />
avait fait paraître en 1728 un ouvrage intitulé : Histoire du Peuple de Dieu,<br />
qui dès cette époque avait fâcheusement ému l’opinion ; en 1753, il publia la<br />
seconde partie, qui fut condamnée par les <strong>au</strong>torités p.109 ecclésiastiques ; en<br />
1758, la troisième, non moins fortement réprouvée. Le P. Berruyer partait de<br />
cette idée que les Saintes Écritures, même traduites, sont obscures ; qu’elles<br />
ne forment pas une histoire complète et cohérente ; qu’elles présentent <strong>des</strong><br />
équivoques qui ont besoin d’être expliquées ; qu’elles ont besoin <strong>au</strong>ssi, pour