La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 299<br />
CHAPITRE XI<br />
<strong>Les</strong> déismes : <strong>Les</strong>sing.<br />
p.404 Gottlob Ephraïm <strong>Les</strong>sing ressemblait <strong>au</strong>x penseurs d’Angle terre et de<br />
France par quelques traits fraternels. — <strong>La</strong> clarté, qui l’a désir ée plus que lui ?<br />
Il l’atteignait, non pas en se jouant, grâce à <strong>des</strong> rencontres heureuses, mais par<br />
son travail, sa patience, sa volonté. — <strong>La</strong> critique, qui l’a exercée avec plus de<br />
loy<strong>au</strong>té ? Il se sentait personnellement provoqué par les textes, et il fonçait sur<br />
leurs <strong>au</strong>teurs, sans pitié pour la faiblesse humaine ; de ses adversaires il ne<br />
laissait rien, parce que les hommes ne représentaient guère pour lui que <strong>des</strong><br />
idées ; <strong>au</strong>x idées f<strong>au</strong>sses, pas de quartier. Je ne suis pas, disait-il lui-même, un<br />
de ces êtres privilégiés qui créent spontanément le be<strong>au</strong>, un magicien, un<br />
enchanteur ; je suis un critique, et c’est par la critique que j’arrive à l’art. —<br />
Tant d’affirmations hasardées couraient le monde, que pour rétablir l’équilibre<br />
il prenait volontiers le parti de l’opposition ; en présence <strong>des</strong> opinions reçues,<br />
spontanément il se rebellait ; lisait-il <strong>des</strong> écrits en faveur de la religion, si<br />
nombreux qu’ils formaient les trois quarts de la production allemande,<br />
<strong>au</strong>ssitôt il avait envie de connaître l’<strong>au</strong>tre qua rt ; devant toute condamnation,<br />
il interjetait appel.<br />
Comme ses frères encore, il avait incroyablement lu, étudié, cherché.<br />
Écolier, un de ses maîtres disait qu’il était un jeune cheval <strong>au</strong>quel il fallait<br />
double ration d’avoine ; il avait continué à manger <strong>des</strong> rations doubles ou<br />
quadruples. A ce compte-là, tout imprimé lui paraissait bon à lire, ne fût-ce<br />
que pour faire la chasse <strong>au</strong>x sottises ; mais il aimait surtout ce qu’il n’était pas<br />
obligé de connaître et ce que les <strong>au</strong>tres ne connaissaient pas, ce qui était à<br />
côté, ce qui était en marge ; p.405 si bien qu’à force d’accumuler, outre<br />
l’ordinaire, l’inédit et l’imprévu, il finissait par avoir à sa disposition un<br />
arsenal immense, qu’il utilisait largement dans ses combats. — Comme ses<br />
frères, il était inlassable ; par nécessité, puisque, <strong>au</strong>ssi longtemps qu’il l’a pu,<br />
il a vécu de sa plume ; et par goût, dramaturge, esthéticien, théologien,<br />
philosophe, journaliste ; laissant encore après lui une foule de fragments,<br />
d’essais, de matéri<strong>au</strong>x pour <strong>des</strong> oeuvres comme ncées ou projetées, non finies.<br />
— Volumes et manuscrits n’avaient toute leur saveur que quand il revenait<br />
vers eux après les avoir quittés pour humer l’air de la vie. <strong>La</strong> vie batailleuse et<br />
agitée, la vie qui pour se bien remplir doit apporter à l’être huma in mille<br />
expériences, y compris celles de l’aventure et de la bohême, comme il l’a<br />
chérie ! Il n’a pas taillé sans fantaisie la courte étoffe qui est concédée à<br />
chacun de nous. Le ministère l’attendait, on l’avait envoyé à l’Université de<br />
Leipzig pour y faire les étu<strong>des</strong> qui le conduiraient vers les ordres : or sa pieuse<br />
famille apprenait, avec scandale, qu’on le voyait plus souvent dans les