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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 313<br />

CONCLUSION<br />

L’Europe et la f<strong>au</strong>sse Europe<br />

p.422 L’Europe, qu’était -ce <strong>au</strong> juste ? On ne le savait pas. Vers l’est, ses<br />

limites étaient incertaines ; à l’intérieur, elle n’avait pas toujours eu les mêmes<br />

divisions, par rapport <strong>au</strong>x peuples qui l’habitaient ; son nom même<br />

s’expliquait mal. Jupiter, déguisé en t<strong>au</strong>re<strong>au</strong>, avait enlevé Europe, fille<br />

d’Agénor, tandis qu’elle se promenait avec ses compagnes sur une plage de<br />

Phénicie ; en l’honneur de cette belle, il avait appelé Europe l’une <strong>des</strong> parties<br />

du monde ; fabuleuse histoire à laquelle Hérodote déjà ne croyait plus. Mais,<br />

f<strong>au</strong>te d’ une idée précise, on éprouvait un sentiment très fort : « L’Europe<br />

surpasse en toutes choses les <strong>au</strong>tres parties du monde. » Sans doute, elle était<br />

moins vaste que l’Asie, que l’Afrique, que l’Amérique et on s’en trouvait<br />

quelque peu marri ; <strong>au</strong>ssi ajoutait-on, très vite, que cette petitesse était<br />

com<strong>pensée</strong> par de multiples c<strong>au</strong>ses de grandeur. Incertaine tant qu’on voudra,<br />

elle n’en formait pas moins ein bewunderwürtiges Ganze, un tout merveilleux<br />

1. Elle avait <strong>des</strong> lois communes ; et commune, une religion qui avait fait<br />

d’elle la chrétienté, souvenir non aboli <strong>au</strong> fond <strong>des</strong> consciences rebelles. Elle<br />

constituait « une espèce de grande république, partagée entre plusieurs États,<br />

les uns monarchiques, les <strong>au</strong>tres mixtes, ceux-ci aristocratiques, ceux-là<br />

populaires ; mais tous correspondant les uns avec les <strong>au</strong>tres, tous ayant un<br />

même fond de religion, tous ayant les mêmes principes de droit public et de<br />

politique, inconnus <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres parties du monde 2 ». Et de même que les Grecs<br />

p.423 pouvaient se disputer entre eux, mais conservaient <strong>des</strong> relations de<br />

bienséance et de politesse, comme les habitants d’une seule ville, de même les<br />

Européans, ou mieux les Européens, pouvaient se battre et se déchirer, mais<br />

restaient solidaires. Bref, « ce n’est pas d’un pays, ce n’est pas d’une nation,<br />

que le <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> tient sa célébrité ; il la doit à tous les peuples, à tous les<br />

pays de l’Europe ; et c’est ce qui la rend si grande, si intéressante, et si<br />

vraie 3... »<br />

On ne cessait pas de louer les vertueux Chinois et les sages Égyptiens ;<br />

mais il fallait bien avouer que ni la Chine ni l’Égypte n’avaient tenu les<br />

promesses qu’elles avaient faites, jadis. Elles étaient demeurées inertes, tandis<br />

que l’esprit de l’Occident avait manifesté une curiosité inlassable. Jamais il ne<br />

s’était arrêté, de sorte que les Grecs et les <strong>La</strong>tins eux-mêmes étaient dépassés<br />

1 Joh. Chr. Adelung, Pragmatiscbe Staatsgeschichte Europens... Gotha, 1762. Vorlaüfige<br />

Einleitung,p.4.<br />

2 Voltaire, Siècle de Louis XIV, Introduction, chap. II.<br />

3 Esprit et génie <strong>des</strong> écrivains du <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong>. Amsterdam, s. d.

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