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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 262<br />

déclaration <strong>des</strong> droits ; Locke avait établi que l’âme était passive ; et cette<br />

première affirmation était lourde de conséquences, encore non développées.<br />

Mais il avait établi que l’âme était active, <strong>au</strong>ssi, puisqu’elle travaillait sur les<br />

données fournies par les sens. Or le principe de cette activité était l’ uneasiness<br />

— l’inqui étude ; le désir :<br />

L’inquiétude qu’un homme ressent en lui -même pour l’absence d’une<br />

chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c’est ce qu’on nomme<br />

désir, qui est plus ou moins grand selon que cette inquiétude est plus ou moins<br />

ardente. Et ici, il ne sera peut-être pas inutile de remarquer en passant que<br />

l’inquiétude est le principal, pour ne pas dire le seul aiguillon qui excite<br />

l’industrie et l’activité <strong>des</strong> hommes...<br />

Le successeur et le réformateur de Locke, Condillac, insiste sur la<br />

psychologie du désir :<br />

Désirer est le plus pressant de tous nos besoins ; <strong>au</strong>ssi à peine un désir<br />

est-il satisfait que nous en formons un <strong>au</strong>tre. Souvent nous obéissons à<br />

plusieurs à la fois ; ou, si nous ne le pouvons pas, nous ménageons pour un<br />

<strong>au</strong>tre temps ceux <strong>au</strong>xquels les circonstances p.356 présentes ne nous permettent<br />

pas d’ouvrir notre âme. Ainsi nos passions se renouvellent, se succèdent, se<br />

multiplient ; et nous ne vivons plus que pour désirer et qu’<strong>au</strong>tant que nous<br />

désirons.<br />

Il y ajoute la psychologie de l’ennui. <strong>La</strong> statue de marbre qui s’est animée<br />

dès qu’elle a reçu la faculté de sentir, se rappelle les situations heureuses où<br />

elle s’est trouvée ; dès lors l’état d’indifférence lui paraît insupportable ; la<br />

peine qu’elle éprouve s’appelle l’ennui. L’ ennui dure, il <strong>au</strong>gmente ; il devient<br />

<strong>au</strong>ssi accablant que la douleur ; et l’âme se porte sans choix vers les manières<br />

d’être qui sont propres à le dissiper. <strong>La</strong> crainte de l’ennui fait agir et penser la<br />

plupart <strong>des</strong> hommes. Elle les pousse à rechercher les émotions fortes, même si<br />

ces émotions les remuent avec excès et les font souffrir. L’ennui fait courir le<br />

peuple à la Grève et les gens du monde <strong>au</strong> théâtre ; l’ennui pousse les vieilles<br />

femmes vers la dévotion triste et les exercices de la pénitence ; l’ennu i jette<br />

les courtisans dans les cabales. « Mais c’est surtout dans les sociétés où les<br />

gran<strong>des</strong> passions sont mises à la chaîne, soit par les moeurs, soit par la forme<br />

du gouvernement, que l’ennui joue le plus grand rôle ; il devient alors le<br />

mobile universel. » <strong>Les</strong> gens sensés sont inférieurs <strong>au</strong>x gens passionnés ; on<br />

devient stupide dès qu’on cesse d’être passionné ; si on n’est passionné on ne<br />

s<strong>au</strong>rait être poète : « Le sentiment est l’âme de la poésie. » De qui sont ces<br />

phrases ? de quel romantique convaincu ? Elles sont inscrites dans le livre De<br />

l’Esprit, d’Helvétius.<br />

Dans la nature, en somme, on pouvait trouver toutes choses : même le<br />

romantisme.<br />

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