La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 199<br />
outre le nécessaire précis, un superflu nécessaire à un honnête homme, et par<br />
lequel on est heureux ; c’est le fond <strong>des</strong> bienséances et <strong>des</strong> agréments. A la<br />
vérité, nous ne l’estimerons pas moins s’il reste p<strong>au</strong>vre ; mais nous le<br />
bannirons de notre société s’il ne travaille à se débarrasser de son farde<strong>au</strong> de<br />
misère. L’indigence, qui nous prive du bien -être personnel, nous exclut <strong>au</strong>ssi<br />
de toutes les délicatesses sensibles, et nous éloigne du commerce <strong>des</strong> hommes<br />
civilisés. — En somme, le philosophe est un honnête homme qui agit en tout<br />
par raison, et qui joint à son esprit de réflexion et de justesse les moeurs et les<br />
qualités sociales. C’est ainsi qu’il s’est vu.<br />
Près de la victoire.<br />
Il y a eu de 1720 à 1750 une période d’hésitation, pendant laquelle le mot<br />
n’apparaît pas encore chargé de tout son sens. p.270 Ensuite ce mot s’est<br />
cristallisé ; il a appartenu à un parti guerrier, qui l’a inscrit sur ses drape<strong>au</strong>x ;<br />
Rousse<strong>au</strong>, le répudiant pour son compte, a répudié nettement une doctrine. Si<br />
quelque élément l’enrichit encore, c’est une nuance d’orgueil. Après 1 760,<br />
l’Europe semble conquise, et la partie gagnée.<br />
C’est ce qu’assurent et que répètent les philosophes eux -mêmes ; ils vont<br />
disant que le tournant difficile est passé ; qu’on est en vue de la terre promise ;<br />
que la fermentation universelle n’a pas été p erdue, et qu’elle a développé ses<br />
effets ; que les temps de barbarie sont loin, que le <strong>siècle</strong> s’est éclairé, que la<br />
raison s’est épurée, qu’elle remplit la majorité <strong>des</strong> ouvrages. Quoi qu’en dise<br />
l’envie, notre temps est celui <strong>des</strong> êtres pensants ; il nous promet un avenir<br />
meilleur, car la lumière progressive frappe tôt ou tard les yeux mêmes de ceux<br />
qui se croient intéressés à l’éteindre. Il est certain que les rois sont plus<br />
tolérants qu’on ne l’a jamais été ; il s’élève une génération qui a le fanatisme<br />
en horreur ; les premières places seront un jour occupées par les philosophes,<br />
notre règne se prépare, il ne tient qu’à nous d’avancer ces be<strong>au</strong>x jours. Et<br />
<strong>au</strong>tres expressions analogues, qui manifestent le même sentiment d’un gain<br />
assuré, d’un espoir tout proc he et d’une joie.<br />
Ils tenaient l’Angleterre pour définitivement acquise, patrie de la libre<br />
<strong>pensée</strong>. En France, la plupart <strong>des</strong> points stratégiques, les salons, l’Académie,<br />
étaient gagnés ; il y avait <strong>des</strong> fissures même dans la masse compacte de la<br />
Sorbonne ; la mode elle-même se prononçait pour la philosophie. « <strong>La</strong> partie<br />
la plus opulente de la Suisse », Genève qui avait failli répudier Calvin,<br />
<strong>La</strong>usanne, « donnaient bien de la satisfaction » ; de même les sept Provinces<br />
Unies. <strong>Les</strong> pays latins paraissaient plus tardifs : Rome résistait et on la<br />
couvrait d’anathèmes ; mais enfin, Milan et Naples formaient <strong>des</strong> centres<br />
lumineux ; ni la Toscane, ni Parme n’étaient rebelles ; il y avait <strong>des</strong> Italiens<br />
pour constater que chez eux <strong>au</strong>ssi, la philosophie progressait de jour en jour.<br />
L’Espagne commençait à se débarrasser <strong>des</strong> préjugés qui l’avaient tenue en<br />
enfance malgré ses forces naturelles. Mais dans ce tour d’horizon, c’est sur les<br />
pays du Nord que les yeux s’arrêtaient avec le plus de complaisance :