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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 275<br />

Étudier sa morale équiv<strong>au</strong>t à retrouver à peu près toutes les affirmations et<br />

les hésitations de la philosophie. Le goût <strong>des</strong> questions morales ; la<br />

morale-science ; la morale rationnelle ; la morale instinctive ; la morale qui lie<br />

l’intérêt parti culier <strong>au</strong> bien de l’espèce. Mais <strong>au</strong>ssi, le regret de n’arriver point<br />

à faire un code de morale ; la conscience de la relativité de la morale ; la<br />

crainte que la même morale ne fût pas adaptée <strong>au</strong> sage et à la foule ; et, plus<br />

que toutes choses, le déterminisme envahissant, qui excluait la possibilité<br />

même d’une moralité. Le maître de Jacques le Fataliste <strong>au</strong>rait bien voulu se<br />

croire libre ; mais les arguments que Jacques le Fataliste jetait p.373 dans la<br />

balance la faisaient pencher vers le non ; nous sommes tels qu’il convient à<br />

l’ordre général, à l’organisation particu lière de chaque être ; nous ne pouvons<br />

rien changer <strong>au</strong>x lois qui nous conditionnent ; et dès lors, si la liberté est,<br />

philosophiquement parlant, un mot vide de sens, il n’y a point d’acte qui<br />

mérite la louange ou le blâme, il n’y a ni vice ni vertu, il n’y a rien dont il<br />

faille récompenser ou punir.<br />

C’est ce Diderot -là qui a déclamé contre les tyrans ; qui a déclaré que<br />

l’homme possédait un droit indiscutable à la liberté politique ; que les<br />

citoyens ont bien voulu se dépouiller d’un partie de leur indépendance pour la<br />

confier à un pouvoir qui n’était que leur délégation ; qui a défendu la sécurité<br />

et la propriété. C’est ce Diderot -là qui, en matière de pédagogie, a préconisé,<br />

pour remplacer l’éducation monastique, une éducation d’État, obligatoire et<br />

laïque ; une éducation où le latin céderait la place <strong>au</strong>x langues vivantes ; où<br />

les maîtres suivraient l’évolution de l’esprit <strong>des</strong> enfants, allant du plus simple<br />

<strong>au</strong> plus compliqué ; où l’on formerait <strong>des</strong> hommes de science, <strong>des</strong><br />

agriculteurs, <strong>des</strong> économistes, en un mot <strong>des</strong> citoyens utiles à l’État ; où les<br />

arts mécaniques, ses protégés, seraient à l’honneur. C’est ce Diderot -là,<br />

curiosité universelle, qui, comme tout le monde, a recherché le principe <strong>des</strong><br />

be<strong>au</strong>x-arts ; qui a lu Platon et saint Augustin, Shaftesbury et Hutcheson,<br />

l’abbé Le Batteur et le P. André, Wolff et Hagedorn, tous ceux qu’on pouvait<br />

lire et quelques <strong>au</strong>tres encore ; qui, après tant d’avis différents, s’est trouvé<br />

bien embarrassé ; et qui s’est décidé à définir le be<strong>au</strong> en ces termes :<br />

« J’appelle be<strong>au</strong>, hors de moi, tout ce qui contient en soi de quoi réveiller dans<br />

mon entendement l’idée de rapports ; et be<strong>au</strong> par rapport à moi tout ce qui<br />

réveille cette idée » ; le rapport se trouvant être « une opération de<br />

l’entendement, qui considère soit un être, soit une qualité, en tant que cet être<br />

ou cette qualité suppose l’existence d’un <strong>au</strong>tre être o u d’une <strong>au</strong>tre qualité ».<br />

— « Placez la be<strong>au</strong>té dans la perception <strong>des</strong> rapports, et vous <strong>au</strong>rez l’histoire<br />

de ses progrès depuis la naissance du monde jusqu’<strong>au</strong>jourd’hui. »<br />

Ce Diderot-là n’a pas fait de l’anticléricalisme l’occupation dominante de<br />

sa vie ; il n’en a pas moins été un <strong>des</strong> accusateurs les plus violents du Christ,<br />

dans le grand procès. Il a d’abord professé le déisme, et vite l’a dépassé : si on<br />

ne croit pas <strong>au</strong>x p.374 dieux, pourquoi les reléguer dans les intervalles <strong>des</strong><br />

mon<strong>des</strong> ? Mieux v<strong>au</strong>t les nier franchement. Il l’a fait ; il est devenu athée. Il a<br />

cru, ainsi que Naigeon qui le suivait comme un caniche son maître, que la

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