La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 160<br />
prolongation du pansé, qu’une longue erreur et qu’un immense déchet.<br />
Hardiesse en toutes choses ; et, dès qu’on aborde les lettres pures, timidité.<br />
Pourtant on <strong>au</strong>rait tort, si on s’arrêtait à ce poin t. <strong>La</strong> persistance du<br />
classicisme, devenant pseudo-classicisme, ne vient pas seulement de la force<br />
fatale <strong>des</strong> illustres modèles, de l’éclat <strong>des</strong> <strong>au</strong>réoles, de la paresse <strong>des</strong> hommes<br />
qui tendent à recommencer ce qui a une fois réussi ; elle implique une<br />
logique, une complicité, un consentement. Elle est une résultante de l’ordre<br />
que la raison découvrait dans tout le créé.<br />
Zu Ordnung ward, was ist, eh etwas war, erlesen 1 : il devait y avoir un<br />
esprit rationnel de la littérature, comme il y avait un esprit <strong>des</strong> lois. Le<br />
classicisme représentait les rapports nécessaires qui dérivent de la nature <strong>des</strong><br />
genres ; les genres étaient, à leur manière, la hiérarchie imposée par la grande<br />
p.218 chaîne <strong>des</strong> êtres. <strong>La</strong> philosophie restait, sur ce point, fidèle <strong>au</strong> classicisme,<br />
l’une et l’<strong>au</strong>tre ennemis de la déraison.<br />
En outre, s’il est vrai que la doctrine classique, ayant donné en France le<br />
meilleur de ses fruits, ceux qu’elle produisait encore étaient sans saveur, il<br />
n’en allait pas de même dans les <strong>au</strong>tres champs de l’Europe.<br />
L’impressionnante liste <strong>des</strong> Arts poétiques à retardement qui, avec <strong>des</strong><br />
variantes qui ne sont pas sans importance, répètent l’essentiel de l’ Art<br />
poétique de Boile<strong>au</strong>, se justifierait mal si on ne lui supposait quelque utilité.<br />
1711 : L’ Essay on Criticism.<br />
<strong>Les</strong> règles are Nature still, but Nature methodized, les règles « sont encore<br />
la nature, mais la nature devenue méthode » : que la formule n’ait pas été<br />
stérile, c’est ce que l’oeuvre de Pope lui -même vient prouver.<br />
1729 : Versuch einer Kritischen Dichtkunst, par Johann Christoph<br />
Gottsched.<br />
Gottsched est un moindre seigneur, et on peut difficilement le défendre<br />
par le mérite intrinsèque de ses écrits. Mais pédant tant qu’on voudra, fier de<br />
porter <strong>des</strong> oeillères, s’obstinant à proposer à l’Allemagne les modèles du<br />
théâtre français qui n’était pas fait pour elle, dangereux si on l’avait suivi<br />
jusqu’<strong>au</strong> bout, Gottsched n’en a pas moins répondu à un besoin du moment :<br />
il a demandé une discipline ; et sa contrainte a préparé l’épanouissement.<br />
1737. <strong>La</strong> Poetica d’Ignaz io de Luzan.<br />
Encore la Grèce et Rome, encore l’Italie classique, encore la France de<br />
Boile<strong>au</strong>, encore les règles ; mais <strong>au</strong>ssi, lutte contre les déf<strong>au</strong>ts d’une littérature<br />
devenue toute verbale, contre le m<strong>au</strong>vais goût, l’enflure, le gongorisme ;<br />
refonte nécessaire pour débarrasser le génie espagnol de ses scories.<br />
Le Portugal avait conscience de son retard sur le mouvement général de la<br />
<strong>pensée</strong> ; comme remède <strong>au</strong>x déficiences dont il souffrait, il ne trouvait qu’à<br />
1 Uz. Die Glückseligkeit, ouvrage cité.