La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 153<br />
Eh quoi ! s’écria -t-on, dès qu’on prit connaissance de ce Discours<br />
préliminaire, la connaissance ne vient plus de Dieu ! la loi de Dieu n’est plus<br />
la règle de la morale ! Encore d’Alem bert avait-il accordé quelques lignes à<br />
l’Être suprême : l’union de l’âme et du corps, jointe <strong>au</strong>x réflexions que nous<br />
sommes forcés de faire sur les deux principes, l’esprit et la matière, éternels<br />
problèmes, nous portent à l’idée d’une Intelligence toute -puissante. Même il<br />
avait parlé de la nécessité d’une religion révélée, qui servît de supplément à la<br />
religion naturelle. Bien que cette expression, un supplément, donnât un<br />
caractère d’irrévérence à son propos ; bien qu’il eût l’air de dire que les<br />
vérités communiquées par cette religion révélée fussent à l’usage du peuple et<br />
non <strong>des</strong> sages, du moins gardait-il quelques ménagements, ou prenait-il<br />
quelques préc<strong>au</strong>tions. Diderot se montrera plus franc, lorsqu’il en arrivera à<br />
l’article Encyclopédie du Dictionnaire. Il prendra la défense du plan directeur<br />
de l’ouvrage, et résolument il mettra l’homme <strong>au</strong> centre de l’Univers :<br />
Si l’on bannit l’homme et l’être pensant et contemplateur de <strong>des</strong>sus la<br />
surface de la terre, ce spectacle pathétique et sublime de la nature n’est plus<br />
qu’une scène triste et muette ; l’univers se tait, le silence et l’ennui s’en<br />
emparent. Tout se change en une vaste solitude où les phénomènes inobservés<br />
se passent d’une manière obscure et sourde. C’est la présence de l’homme qui<br />
rend l’existence <strong>des</strong> êtres intéressante : et que peut-on se proposer de mieux<br />
dans l’histoire de ces êtres que de se soumettre à cette considération ?<br />
Pourquoi n’introduirions-nous pas l’homme dans notre ouvrage comme il est<br />
placé dans l’univers ? Pourquoi n’en ferions-nous pas un centre commun ?<br />
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, disait la Bible ; et quand il<br />
eut créé le ciel et la terre, il forma l’homme. Or quand il en vint à définir<br />
l’homme, Diderot oublia la Bible et omit Dieu :<br />
HOMME. s. m. C’est un être sentant, réfléchissant, pensant, qui se<br />
promène librement sur la surface de la terre, qui paraît être p.209 à la tête de<br />
tous les <strong>au</strong>tres anim<strong>au</strong>x sur lesquels il domine, qui vit en société, qui a inventé<br />
<strong>des</strong> sciences et <strong>des</strong> arts, qui a une bonté et une méchanceté qui lui est propre,<br />
qui s’est donné <strong>des</strong> maîtres, qui s’est fait <strong>des</strong> lois, etc...<br />
On a considéré quelquefois comme une nouve<strong>au</strong>té intrinsèque la grande<br />
place que l’ Encyclopédie a faite <strong>au</strong>x arts et <strong>au</strong>x métiers, promettant de donner<br />
sur chaque science et sur chaque art soit libéral, soit mécanique, les principes<br />
génér<strong>au</strong>x qui en sont la base, et les détails les plus essentiels qui en font le<br />
corps et la substance. Elle fournirait, en même temps que l’exposé<br />
méthodique de nos connaissances, un guide de la pratique : c’était sa seconde<br />
ambition.<br />
S’étonner de ce souci, ce serait ignorer l’une <strong>des</strong> tendances<br />
contemporaines qui engagèrent le plus directement l’avenir ; ce serait oublier<br />
les précurseurs ; Descartes, dont les conseils allaient à faire bâtir dans le