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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 58<br />

Diderot avait fait une <strong>des</strong>cription exacte du métier à faire <strong>des</strong> bas, et <strong>des</strong><br />

différentes manières de tailler une chemise ; mais je me suis arrêté à<br />

considérer quelle idée l’ Encyclopédie me donnait de l’homme, de sa nature,<br />

de sa fin et de son bonheur. » Ou bien il mettait en pièces le livre De l’esprit,<br />

il avait be<strong>au</strong> jeu. — Linguet portait <strong>des</strong> coups durs. <strong>La</strong> Philosophie ? « Son<br />

nom signifie amour de la sagesse. Elle s’en empare avec fierté, comme on<br />

charge les armoiries de symboles qui n’ont <strong>au</strong>cun rapport avec les actions de<br />

ceux qui p.82 les portent. Très souvent un lâche fait peindre un lion dans son<br />

écusson. » — « Le fanatisme religieux ensanglante la terre, mais le fanatisme<br />

philosophique enlève <strong>au</strong>x hommes leur force et leur vertu. » — « Le<br />

philosophe raisonneur qui discute, qui pèse les droits <strong>des</strong> puissances, qui<br />

disserte sur les vertus et les vices, est trop lâche pour savoir obéir. Son coeur<br />

flétri par ses prétendues lumières n’est accessible qu’à la peur. Désabusé sur<br />

les mots de patrie, d’honneur, de devoir, accoutumé à les disséquer, à en<br />

analyser les rapports, il n’en connaît plus ni la force, ni la douceur. »<br />

Le plus combatif était Fréron. Breton, tête dure, il se relevait chaque fois<br />

de ses défaites : il était mis à la Bastille, à Vincennes, <strong>au</strong> For-l’Évêque, pour<br />

avoir distribué <strong>des</strong> horions à droite et à g<strong>au</strong>che, et de préférence <strong>au</strong>x<br />

puissants : libéré, et presque sans reprendre haleine, il recommençait. Ses<br />

publications, les Lettres de la Comtesse, les Lettres sur quelques écrits de ce<br />

temps, étaient suspendues : peu lui importait, il se mettait à rédiger l’Année<br />

littéraire, et bon gré mal gré la traînait jusqu’à sa mort. Il n’était pas le<br />

premier venu ; il maniait bien plume, était sensible <strong>au</strong> mérite littéraire, avait<br />

du goût ; aimait les nouve<strong>au</strong>tés ; il voyait les m<strong>au</strong>x de la société et demandait<br />

<strong>des</strong> réformes ; ami <strong>des</strong> plaisirs de la vie, généreux, dépensier même, sa<br />

personnalité sortait du banal. Dés qu’il voyait un philosophe il se mettait en<br />

colère. Le nom d’<strong>au</strong>cun d’entre eux ne manque dans ses pages : de Voltaire<br />

lui-même il n’avait pas peur. « Je reparaissais sur l’arène, avec l’ardeur d’un<br />

athlète dont quelques blessures que <strong>des</strong> lâches lui ont faites en trahison<br />

raniment le courage <strong>au</strong> lieu de l’abattre. » ce qui l’attendait, mots féroces,<br />

épigrammes tenaces, tours, vengeances ; mais à provoquer ces représailles il<br />

prenait du plaisir. Il avait une mission à remplir ; les philosophes n’avaient<br />

pas l’a ir de voir qu’<strong>au</strong>x consolations du Christianisme, ils substituaient le<br />

trouble, l’amertume et le désespoir : lui, Fréron, dénoncerait leur erreur. Il leur<br />

montrerait qu’ils étaient fous, s’ils pensaient qu’une nation qui secoue un joug<br />

sacré continuera à supporter un joug humain. Il défendrait ce que la tradition a<br />

de salutaire. « Jamais <strong>siècle</strong> n’a été plus fertile que le nôtre en écrivains<br />

séditieux qui, à l’exemple du poète Linière, n’ont d’esprit que contre Dieu. Ils<br />

se disent les apôtres de l’humanité, e t ils ne voient pas que c’est être m<strong>au</strong>vais<br />

p.83 citoyen, que c’est faire un mal réel <strong>au</strong>x hommes, que de leur ôter <strong>des</strong><br />

espérances qui seules adoucissent les m<strong>au</strong>x de cette vie ; que c’est bouleverser<br />

l’ordre <strong>des</strong> sociétés, irriter le p<strong>au</strong>vre contre le riche et le faible contre le<br />

puissant, armer <strong>des</strong> millions de bras qui sont arrêtés par un frein sacré <strong>au</strong>tant<br />

que par les lois... Ce méprisable acharnement contre la religion marque

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