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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 243<br />

CHAPITRE V<br />

Nature et liberté : les lois sont les rapports nécessaires qui<br />

dérivent de la nature <strong>des</strong> choses.<br />

p.330 Difficultés de la morale naturelle...<br />

Était-il certain que la nature finît toujours par sanctionner soit le bien, soit<br />

le mal ? que le frugal ne fût jamais malade, et que le voluptueux le devînt<br />

toujours ? que le méchant fût toujours puni par ses remords ? que le voleur,<br />

dès que sa raison s’éclairait, comprît son erreur et se hâtât de restituer ce qu’il<br />

avait pris ? En somme, la moralité véritable n’était -elle pas une protestation<br />

contre la nature brute, contre son indifférence et son aveuglement ?<br />

Était-il sûr, de même, que l’intérêt particulier fût, sans exception, lié à<br />

l’intérêt général ? que le bien de l’abeille ne se distin guât jamais du bien de la<br />

ruche ? Il y avait ce Mandeville qui dans sa Fable avait précisément soutenu<br />

le contraire : on n’était pas près d’oublier cet apologue -là. Même sans<br />

consulter les livres, et en regardant la vie de tous les jours, n’était -il pas<br />

manifeste que la ruine d’un marchand amenait la clientèle à son voisin ? Le<br />

malheur de l’un fait le bonheur de l’<strong>au</strong>tre, disait la sagesse <strong>des</strong> nations. Si<br />

enfin on allait <strong>au</strong> principe même <strong>des</strong> choses, moralité et intérêt, même intérêt<br />

social, apparaissaient comme d’une dualité différente. Dans la morale pure, en<br />

effet, le désintéressement entrait comme un ingrédient nécessaire. Faites du<br />

bien à celui dont vous n’attendez rien, à celui même qui vous veut du mal ; et<br />

non pas : faites du bien à celui dont vous attendez un bénéfice en retour.<br />

Épicure était-il un bon maître ? Où s’arrêterait <strong>au</strong> juste la poursuite du<br />

plaisir réhabilité ? <strong>Les</strong> <strong>au</strong>stérités d’<strong>au</strong>trefois n’avaient -elles pas leur raison<br />

d’être ; était-ce sans motif, p.331 ou par humeur atrabilaire, ou par<br />

misanthropie, que quelque insensé les avait imposées à la conscience<br />

humaine ? Maintenant, <strong>des</strong> <strong>au</strong>teurs traitaient la morale comme la nouvelle<br />

architecture qui cherchait la commodité et non plus la grandeur, personne ne<br />

voulait plus se contraindre, rien n’é tait moins dans le goût du jour. Un<br />

relâchement rapide en résultait, qu’on était bien obligé de reconnaître. « Un<br />

certain esprit de gloire et de valeur se perd peu à peu parmi nous. <strong>La</strong> philosophie<br />

a gagné du terrain ; les idées anciennes d’héroïsme et de bravoure, et<br />

les nouvelles de chevalerie, se sont perdues... l’indifférence pour l’<strong>au</strong>tre vie,<br />

qui entraîne dans la mollesse celle-ci, nous rend insensibles et incapables de<br />

tout ce qui suppose un effort 1. » — Voilà pour les Français ; voici pour les<br />

Anglais : « L’amour de la liberté, le zèle pour l’hon neur et la prospérité de la<br />

1 Montesquieu, Cahiers, Éd. Grasset, p. 53.

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