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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 92<br />

vocation impérieuse : c’était sa fonction que de diminuer, que d’anéantir, s ’il<br />

le pouvait, toute religion.<br />

Contre le christianisme, jamais assez d’injures, jamais. Aux livres<br />

innombrables qui désormais avaient paru contre la religion, il en ajoutait<br />

d’<strong>au</strong>tres, en masse, qui offraient à la foule la pâture la plus grossièrement<br />

anticléricale, Le Table<strong>au</strong> <strong>des</strong> Saints, De l’imposture sacerdotale, <strong>Les</strong> Prêtres<br />

démasqués, De la cru<strong>au</strong>té religieuse, l’Enfer détruit. Si nombreux qu’il est<br />

p.129 difficile d’en établir la liste exacte, et difficile de distinguer sa part<br />

personnelle de celle <strong>des</strong> collaborateurs qui l’aidaient. Y avait -il, dans les<br />

temps anciens et dans les temps modernes, quelque ouvrage qui pût servir à<br />

son <strong>des</strong>sein, il le faisait traduire. Entrait-il en possession de quelque manuscrit<br />

qui fût utile à sa campagne, il l’exhumait : comme celui que feu M. Boulanger<br />

avait laissé sur l’ Antiquité dévoilée par ses usages, ou il prouvait que nos<br />

idées religieuses venaient de l’impression de terreur que le Déluge avait<br />

laissée <strong>au</strong>x rares survivants. Il dirigeait l’atelier, l’officine, le bur e<strong>au</strong> d’où<br />

sortait une propagande si simpliste, si acharnée, qu’elle fatiguait même les<br />

frères, qui finissaient par voir dans sa personne un capucin athée.<br />

Quelques <strong>au</strong>tres l’accompagnaient et prolongeaient son action ; une petite<br />

troupe, on plus de méprisés et d’humiliés, mais d’orgueilleux, qui ne<br />

craignaient pas de revendiquer une place dans la société — la première,<br />

puisqu’ils se proclamaient les sages, et qu’ils ajoutaient que le sage est<br />

supérieur à la divinité. Boulanger, Naigeon, Charles-François Dupuis, Sylvain<br />

Maréchal, Jérôme <strong>La</strong>lande, pour ne citer que les plus connus, offrent un air de<br />

parenté : même monomanie. Naigeon, le suivant de Diderot, le fournisseur et<br />

le réviseur du baron d’Holbach, assemble dans son Recueil philosophique, ou<br />

Mélanges de pièces sur la religion et la morale (1770) les textes essentiels de<br />

l’irréligion, bréviaire à rebours. Sylvain Maréchal veut être le Lucrèce<br />

français et compose un poème dont les vers sont un défi :<br />

Il n’est point de vertu, si l’on admet les dieux.<br />

Il compile un Dictionnaire <strong>des</strong> athées, où il tire à lui les personnages les<br />

plus inattendus, depuis Abélard jusqu’à Zoroastre, Berkeley et Boccace,<br />

Grégoire de Nazianze et Jurieu, Wolff le philosophe et Young le poète ; et où<br />

figurent <strong>des</strong> peuples entiers, les Anglais, les Brésiliens, les Chiliens, et les<br />

Américains en général. Ce dictionnaire est l’oeuvre d’un maniaque ; et le<br />

Discours préliminaire, gonflé de prétention, éclatant de vanité, n’<strong>au</strong>rait pas<br />

plus de valeur, s’il ne nous montrait l’exas pération d’id ées dont nous avons vu<br />

la naissance et le développement : l’athée est l’homme de la nature ; l’homme<br />

qui, acceptant la limitation de la connaissance, ne voit pas comment p.130 cette<br />

connaissance limitée lui permettrait d’atteindre Dieu ; l’homme qui, ne<br />

désirant que son bonheur présent, n’a pas besoin de Dieu pour le réaliser. « <strong>La</strong><br />

question de savoir s’il y a un Dieu <strong>au</strong> ciel, n’est pas plus importante pour lui<br />

que de savoir s’il y a <strong>des</strong> anim<strong>au</strong>x dans la lune » ; l’homme qui, ayant admis<br />

que toute la civilisation chrétienne repose sur une erreur, veut que la

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