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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 151<br />

mois d’octobre 1750 ; et du premier volume, le 1 er juillet 1751. D’où la<br />

contre-ligue <strong>des</strong> adversaires qui signalent <strong>au</strong>ssitôt le danger. D’où l’émotion<br />

se propageant, quand la publication est une première fois, puis une deuxième<br />

fois arrêtée. D’où les péripéties dont le détail est si connu que nous n’avons<br />

pas à y revenir, et ce jour douloureux où Diderot s’aperçoit que le libraire Le<br />

Breton mutile secrètement ses articles : « Je suis blessé jusqu’<strong>au</strong> tombe<strong>au</strong>... »<br />

Enfin, <strong>au</strong> mois de janvier 1766, Samuel F<strong>au</strong>che, de Neuchâtel, par un subterfuge<br />

que le public européen feignit d’accepter, annonça que les volumes à<br />

partir du tome huit avaient été imprimés en Suisse et qu’il les tenait à la<br />

disposition <strong>des</strong> souscripteurs. — Peut-être, si tout s’était passé paisiblement,<br />

s’il n’y avait pas eu ces difficultés, ces combats et cette victoire finale qui ne<br />

fut telle qu’à condition de ne le paraître pas, peut -être l’ Encyclopédie<br />

<strong>au</strong>rait-elle eu moins d’importance. Une qualité drama tique reste attachée à son<br />

histoire. Elle a lutté contre l’ancien, <strong>pensée</strong>s et forces ; incipit vita nova...<br />

Un Dictionnaire qui serait systématique, qui exposerait l’ordre et<br />

l’enchaînement <strong>des</strong> connaissanc es humaines, c’eût p.206 été un paradoxe, en<br />

tout <strong>au</strong>tre temps qu’<strong>au</strong> XVII I e <strong>siècle</strong>. Car comment concilier l’analyse<br />

désordonnée que l’ordre alpha bétique impose, et la synthèse dont ce temps<br />

voulut rêver ? Chambers avait essayé ; l’ Encyclopédie française mit sa gloire<br />

à mieux réussir.<br />

Quel principe devait organiser cet ordre et forger cet enchaînement ?<br />

Fallait-il faire un décalque de la <strong>pensée</strong> divine ? — Non pas. Dans le<br />

classement <strong>des</strong> sciences, la théologie n’obtint qu’une maigre place et cet<br />

espace réduit fut lui-même partagé. Car on la divisa en deux : la théologie<br />

naturelle, qui n’a de connaissance de Dieu que celle que produit la raison,<br />

<strong>au</strong>ssi n’est -elle pas d’une grande étendue ; et la théologie révélée : mais cette<br />

dernière n’est <strong>au</strong>tre chose que la ra ison appliquée <strong>au</strong>x faits révélés ; on peut<br />

dire qu’elle tient à l’his toire par les dogmes qu’elle enseigne, et à la<br />

philosophie par les conséquences qu’elle tire de ces dogmes. En d’<strong>au</strong>tres<br />

termes, dépendant de la raison, ou n’étant plus qu’historique ou<br />

philosophique, la théologie prenait figure de reine dépossédée. <strong>Les</strong> sciences<br />

ne s’ordonneraient pas selon leurs rapports avec la science de Dieu.<br />

Dominera, <strong>au</strong> contraire, le fait humain, toute transcendance étant exclue ;<br />

s’affirmera la prim<strong>au</strong>té de l’homme ; les sciences s’ordonneront selon leur<br />

rapport avec le développement de sa psychologie. <strong>Les</strong> sensations nous<br />

apprennent notre existence et celle <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres hommes semblables à nous. Une<br />

société, une morale, une religion, peu à peu s’élaborent ; il est évident que les<br />

notions purement intellectuelles du vice et de la vertu, le principe et la<br />

nécessité <strong>des</strong> lois, la spiritualité de l’âme, l’existence de Dieu et nos devoirs<br />

envers lui, en un mot les vérités dont nous avons besoin, sont le fruit <strong>des</strong> idées<br />

réfléchies que nos sensations occasionnent. D’<strong>au</strong>tre part, le soin d’éviter la<br />

douleur et de rechercher le plaisir, la nécessité de conserver notre corps, nous

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