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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 102<br />

fluide céleste, comme on disait ; il l’avait enlevé <strong>au</strong>x dieux. « Je suis las de<br />

raconter <strong>des</strong> prodiges 1. »<br />

Déjà la récompense était venue : du savoir naissait le pouvoir ; on<br />

dominait la nature en la connaissant. <strong>La</strong> matière était asservie. Comme on<br />

avait bien fait d’abandonner la recherche vaine <strong>des</strong> premiers principes, <strong>des</strong><br />

essences et <strong>des</strong> substances ! Peu importaient les c<strong>au</strong>ses premières, du moment<br />

où on trouvait le moyen de leur faire produire d’une manière sûre les effets<br />

dont on avait besoin : de ce changement résultait une abondance de ses biens.<br />

Biens réels, <strong>au</strong>xquels aboutissent les sciences en apparence les plus<br />

désintéressées : « <strong>Les</strong> découvertes <strong>des</strong> savants sont les conquêtes du genre<br />

humain 2. » Man is no weak 3 : il n’était plus vrai que l’homme fût faible, sa<br />

force irait croissant de jour en jour.<br />

Par la science, la vie deviendrait bonne et belle. Alors apparaissait,<br />

entouré d’une <strong>au</strong>réole nouvelle, celui qui pos sédait p.143 la science, celui qui<br />

corrigeait la nature lorsqu’elle s’égarait, celui -ci guérissait les m<strong>au</strong>x de la vie :<br />

le médecin. Le théâtre continuait à rire de Diafoirus, par habitude ; mais<br />

Boerhave de Leyde, Tronchin de Genève, Bordeu de Paris, illustres dans toute<br />

l’Europe, incarnaient la puissance nouvelle. Le public assistait <strong>au</strong> long débat<br />

sur l’inoculation : et pour finir, la petite vérole était vaincue. « Tout cède <strong>au</strong><br />

grand art de guérir », s’écriait <strong>La</strong> Mettrie, qui du coup oubliait ses diatribes<br />

contre ses collègues ; « le médecin est le seul philosophe qui mérite de sa<br />

patrie... Il paraît comme les frères d’Hélène dans les tempêtes de la vie.<br />

Quelle magie, quel enchantement ! Sa vue seule calme le sang, rend la paix à<br />

une âme agitée et fait renaître la douce espérance <strong>au</strong> coeur <strong>des</strong> malheureux<br />

mortels. Il annonce la vie et la mort, comme un astronome prédit une<br />

éclipse 4... » Le seul philosophe, en vérité ; le seul qui parle <strong>au</strong> nom de<br />

l’expérience ; car « c’est lui seul qui a vu les phéno mènes, la machine<br />

tranquille ou furieuse, saine ou brisée, délirante ou réglée, successivement<br />

imbécile, éclairée, stupide, bruyante, léthargique, agissante, vivante, et<br />

morte 5. »<br />

Le 14 février 1750, Buffon enregistrait lui-même le succès de son Histoire<br />

naturelle, dont trois volumes avaient été publiés l’année précédente : la<br />

première édition, quoique tirée en grand nombre, a été épuisée <strong>au</strong> bout de six<br />

semaines ; on en a fait, déjà, une seconde et une troisième, qui vont paraître ;<br />

l’ouvrage est traduit en allema nd, en anglais, en hollandais... — Buffon n’est<br />

1 Charles Bonnet, Considérations sur les corps organisés, 1762. Chapitre XI.<br />

2 Joseph <strong>La</strong>rdon, Réflexions de Mademoiselle X, comédienne française, 1750. Page 54.<br />

3 S. Johnson, Rasselas, 1759. Chapitre XII. « Man is no weak answered his companion<br />

(Imlac) ; Knowledge is more than equivalent to Force. »<br />

4 <strong>La</strong> Mettrie, Dédicace de L’Homme Machine, 1748.<br />

5 Diderot, Encyclopédie, article Locke.

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