17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 315<br />

<strong>des</strong> carrosses spacieux, le duc de Richelieu avait un lit dans le sien, plus un<br />

garde-manger contenant trois entrées ; on raconte qu’en 1742, <strong>au</strong> moment de<br />

quitter Choisy-le-Roi, il fit bassiner les draps, « se coucha en présence de<br />

trente personnes, et dit qu’on le réveillerait à Lyon ». Tous les acteurs que<br />

nous avons fait paraître sur la scène, il f<strong>au</strong>drait les reprendre pour les montrer<br />

dans leur mobilité ; il n’est guère d’homme de lettres, <strong>au</strong> XVII I e <strong>siècle</strong>, qui<br />

n’ait été piqué de la même tarentule ; même Samuel Johnson, le plus massif<br />

<strong>des</strong> écrivains, a quitté son home, son f<strong>au</strong>teuil, et sa place à la bonne taverne<br />

d’Old p.425 Cheshire Cheese pour voir le continent ; même Diderot a fini par<br />

consentir à quitter Paris pour Saint-Pétersbourg. Même les princes, attachés à<br />

leur place héréditaire, voyageaient ; le prince de Suède a su que la mort de son<br />

père avait fait de lui Gustave III, tandis qu’il se trouvait dans une loge de<br />

l’Opéra, à Paris.<br />

Ils visitaient les célèbres cabinets d’hi stoire naturelle et les curiosités ; ils<br />

s’exclamaient devant les pierres qui contenaient de l’e<strong>au</strong>, devant les fossiles et<br />

les monstres, jeux inquiétants de la création. Ils visitaient les savants, dans<br />

leurs maisons mo<strong>des</strong>tes, et assistaient <strong>au</strong>x séances <strong>des</strong> Académies. Ils mesuraient<br />

les églises et comptaient les escaliers <strong>des</strong> tours. Ils fréquentaient les<br />

théâtres, ne manquaient jamais un opéra, surtout en Italie ; car ils se<br />

délectaient de musique, heureux d’emporter dans leur bagage la dernière<br />

partition de Pergolese, pour la faire jouer dans leur pays, après leur retour. Ils<br />

entraient dans les ateliers <strong>des</strong> peintres et <strong>des</strong> sculpteurs, achetaient table<strong>au</strong>x,<br />

statues, collectionnaient <strong>au</strong>ssi les antiques médailles. Il y avait <strong>des</strong> capitales<br />

<strong>européenne</strong>s. Paris, où l’on se sentait étrangement libre, où l’on pouvait<br />

paraître à son gré, et d’où l’on pouvait <strong>au</strong>ssi bien disparaître sans que per -<br />

sonne s’en aperçût ; réunion de merveilles ; fusion de ce que chaque contrée<br />

avait de meilleur ; accueillante entre toutes les villes par la douceur de ses<br />

moeurs et la bonne grâce de ses habitants ; rendez-vous <strong>des</strong> étrangers qui<br />

séjournaient dans ses hôtels : Paris, la lumière <strong>des</strong> lumières. <strong>La</strong> douce Venise,<br />

plaisir, séduction et charme : le carnaval et les masques, les promena<strong>des</strong> en<br />

gondole, le jeu, les théâtres qui portaient <strong>des</strong> noms d’églises, les concerts qui<br />

se donnaient jusque dans les couvents <strong>des</strong> religieuses, les tréte<strong>au</strong>x de la place<br />

Saint-Marc, les courtisanes qui recevaient dans <strong>des</strong> palais ; Venise, la Sybaris<br />

moderne. Rome et sa Semaine sainte ; Naples et son printemps. Vienne,<br />

germanique et latine, porte qui s’ouvrait sur l’Orient.<br />

Gui<strong>des</strong>, <strong>des</strong>criptions, itinéraires, voire même <strong>des</strong> bibliothèques entières de<br />

voyages, enregistraient ce goût toujours croissant. Bien plus ! L’étranger<br />

devenait un type de comédie. Lord Runebil, le chevalier Le Ble<strong>au</strong>, Don<br />

Alvaro de Castille, le comte de Bosco Nero, s’affrontaient sur la scène ; on<br />

représentait le Français à Londres, et l’ Anglais à Borde<strong>au</strong>x. <strong>Les</strong> p.426 images<br />

simplistes par lesquelles on aimait à se figurer les habitants <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres pays,<br />

quelquefois justes et le plus souvent f<strong>au</strong>sses, prenaient une telle fixité que le<br />

temps même ne les effacerait plus. N’eût -on jamais quitté le F<strong>au</strong>bourg Saint-<br />

Antoine ou la rue Saint-Denis, on voyait paraître sur les planches l’Anglais

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!