17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 54<br />

avions besoin d’une preuve supplémentaire de la progression inexorable de<br />

cette <strong>pensée</strong> — plus il a creusé le sujet, plus il les a comparés à ceux du<br />

premier groupe, plus vivement ses doutes se sont <strong>au</strong>gmentés. Dans la<br />

troisième édition de son ouvrage, il donnait encore les arguments pour et<br />

contre, incertain de la conclusion à laquelle il devait aboutir ; dans la<br />

quatrième, il est enclin à la négative. Si ces ouvrages ne sont pas <strong>au</strong>thentiques,<br />

il f<strong>au</strong>t les rejeter. Ni l’<strong>au</strong>torité de l’Église dont il nous dit qu’elle<br />

présupposerait la question de p.76 savoir ce que c’est que les hérétiques ; ni une<br />

sensation intérieure de la conscience ; ni un certain caractère d’utilité morale,<br />

ne peuvent être invoqués. Pure affaire de textes, pure affaire de philologie,<br />

pure affaire d’histoire ; seule compte une filiation <strong>au</strong>thentique. Johann David<br />

Michaelis bannira donc l’Évangile selon saint Luc et selon saint Marc ; et ce<br />

faisant, il <strong>au</strong>ra l’impression de bien servir le Christianisme. Son rai sonnement<br />

est le suivant : les principales objections que les adversaires de la religion<br />

élèvent contre l’Évangile s’adressent à saint Luc. Abandonnez saint Luc, et<br />

<strong>au</strong>ssi saint Marc, sujet <strong>au</strong>x mêmes doutes : vous désarmerez ces adversaires<br />

en leur ôtant la possibilité de faire ressortir <strong>des</strong> contradictions qu’en e ffet on<br />

ne peut entièrement aplanir.<br />

Mais voici le terme où l’essence même du christianisme est atteinte et<br />

modifiée par un théologien qui se croyait calomnié et insulté, quand on lui<br />

disait qu’il n’était plus véritable ment chrétien. Johann Salomo Semler était<br />

l’élève favori de B<strong>au</strong>mgarten, envers lequel il n’a cessé de témoigner admira -<br />

tion et gratitude : la filiation est directe. Même carrière, <strong>au</strong>ssi : il devint en<br />

1752 professeur de théologie à l’Université de Halle. Il fut hardi, il fut<br />

brillant ; sa voix retentit, puissante, dans les gran<strong>des</strong> polémiques de l’époque.<br />

Pour lui, la religion est moralité ; son histoire est celle de l’amélioration<br />

morale de l’homme. Vie intérieure, plus ou moins intense selon la qualité de<br />

l’individu, source jaillissante du fond de l’être, la religion est une force<br />

spontanée, une force libre. Si vous intervenez du dehors pour la canaliser,<br />

vous altérez sa nature, vous contrariez l’expansion de son énergie. L’<strong>au</strong>to rité<br />

est sa grande ennemie. Or, que font les dogmatiques ? Comment opèrent les<br />

théologiens ? Ils travaillent à contre-sens. Ils ont découpé dans le temps, ces<br />

gens à courte vue, un moment passager, un fait transitoire. Dans une<br />

civilisation condamnée à périr, dans la religion juive et dans la religion<br />

chrétienne, ils ont voulu voir la seule religion ; à ses valeurs relatives, ils ont<br />

résolument imprimé un caractère absolu. Telle est leur erreur : d’une<br />

expression donnée du sentiment religieux, ils ont fait la Religion, intangible ;<br />

d’une forme locale, ils ont tiré un e loi sans appel qu’ils ont déclarée la seule<br />

valable pour toutes les époques et pour tous les pays. De ce qui devait<br />

changer, ils ont fait ce qui ne changerait p.77 jamais : et leur méprise a porté sur<br />

la suite <strong>des</strong> <strong>siècle</strong>s. Comme s’ils imposaient à tous l es corps, pour toujours, un<br />

habit que la mode d’<strong>au</strong>jourd’hui a mis en usage, que la mode de demain<br />

emportera, ils ont imposé à toutes les âmes ce revêtement, qui bientôt n’a plus<br />

été qu’un travesti. Opération funeste, continue Semler ; sous l’amas <strong>des</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!