17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 73<br />

seigneurs espagnols et les ambassadeurs <strong>des</strong> cours étrangères à se le procurer<br />

à tout prix, et à se le faire venir par la poste. »<br />

<strong>Les</strong> complicités viennent <strong>des</strong> gouvernants eux-mêmes. Le roi de France<br />

nomme Malesherbes directeur de la librairie ; et Malesherbes a sa politique, à<br />

lui. Personnellement, il estime que la liberté <strong>des</strong> gens de lettres est utile à<br />

l’État ; et d’<strong>au</strong>tre part, qu’il n’y a pas de loi qui soit exécutée lorsqu’une<br />

nation entière cherche à favoriser la fr<strong>au</strong>de. Ce qui est fort bien vu mais<br />

pourquoi charger Malesherbes du service qui doit empêcher l’impression et<br />

arrêter la circulation <strong>des</strong> livres défendus ? Le roi de France est le protecteur de<br />

la religion et Mme de Pompadour, de la philosophie. Le roi de France ne veut<br />

pas que Piron soit de l’Académie , il veut bien lui donner une pension pour le<br />

consoler. Tout d’un coup, on prend <strong>des</strong> mesures barbares qui révoltent tout<br />

sentiment de justice ; on emprisonne Giannone par traîtrise, on roue Calas,<br />

puis les rigueurs s’endorment et on oublie. On s’en prend à <strong>des</strong> misérables,<br />

mais le baron d’Holbach tient table ouverte et fait publique ment profession<br />

d’athéisme. On décrète de prise de corps l’<strong>au</strong>teur de l’ Émile, mais on laisse à<br />

ses amis le temps de le prévenir, et à lui-même le temps de s’échapper ; tandis<br />

qu’il prend la route, il rencontre les exempts qui lui donnent un coup de<br />

chape<strong>au</strong>. <strong>Les</strong> ouvrages antireligieux de Voltaire sont arrêtés, mais ils sont<br />

répandus par son ami Damilaville entre <strong>au</strong>tres, premier commis <strong>au</strong> bure<strong>au</strong> <strong>des</strong><br />

vingtièmes, qui met p.103 sur les lettres et sur les paquets le cachet du<br />

Contrôleur général. <strong>Les</strong> manuscrits de Naigeon l’athée sont du poison, on le<br />

sait bien, mais il les envoie paisiblement à son frère, contrôleur <strong>des</strong> livres à<br />

Sedan ; d’où ils passent à Liège et de Liège à Amster dam. Comment<br />

expliquer, en bonne logique, que le conseiller favori de la très pieuse<br />

Marie-Thérèse, Van Swieten, fasse tous ses efforts pour soustraire à la<br />

censure <strong>au</strong>trichienne les ouvrages que celle-ci voudrait condamner ? que cette<br />

même Marie-Thérèse ait pour mari un franc-maçon avéré, François-Étienne,<br />

duc de Lorraine, alors que la franc-maçonnerie a été expressément condamnée<br />

par Rome ? que le trône épiscopal de Liège soit occupé par un <strong>au</strong>tre adepte,<br />

l’évêque Delbrück, qui protège les philosophes en génér al, et en particulier<br />

Pierre Rousse<strong>au</strong>, le rédacteur du Journal encyclopédique, bastion de l’impiété<br />

dans les possessions <strong>au</strong>trichiennes ? Le journal est censuré par la Faculté de<br />

théologie de Louvain, supprimé le 27 avril 1759 ; Pierre Rousse<strong>au</strong> est banni.<br />

Il s’établit à Bouillon, fonde le Journal de Bouillon qui continue l’oeuvre du<br />

Journal encyclopédique, et reçoit <strong>des</strong> subsi<strong>des</strong> de la Majesté impériale qui l’a<br />

chassé : union secrète du pouvoir et de la philosophie contre l’Église, qu’en<br />

même temps le pouvoir défendait.<br />

<strong>La</strong> prohibition, puisqu’on en voulait une, <strong>au</strong>rait pu être constante et<br />

sévère : en fait, on tendait un filet <strong>au</strong>x mailles si larges qu’il n’était pas très<br />

difficile d’y passer. Des accès de fanatisme et de l’anarchie. L’époque était<br />

<strong>au</strong>x incohérences, parce qu’elle était <strong>au</strong>x facilités. On résistait ; et on cédait à<br />

un esprit général que flattait la douceur de vivre. Une vague d’indépendance

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!