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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 57<br />

Notons cet état de choses pour mémoire, et concédons que si le<br />

Christianisme n’avait eu que l’intervention séculière pour se protéger, il <strong>au</strong>rait<br />

justifié une partie <strong>des</strong> accusations qu’on portait contre lui.<br />

Puisque la philosophie devenait une affaire d’opinion publique surtout en<br />

France : surtout en France, les antiphilosophes acceptaient la lutte sur le<br />

même terrain : du moins ils essayaient.<br />

Ils réussissaient quelquefois. Ils trouvaient un nom pour ridiculiser leurs<br />

adversaires : les Cacouacs. En 1757, L’Histoire <strong>des</strong> Cacouacs commença de<br />

courir Paris. Vers le quarante-huitième degré de latitude méridionale, on avait<br />

nouvellement découvert une tribu plus ignorée que celle <strong>des</strong> Caraïbes. <strong>Les</strong><br />

Cacouacs avaient comme arme du venin caché sous leur langue ; à chaque<br />

parole qu’ils prononçaient, même du ton le plus doux, ce venin coulait,<br />

s’échappait, se répandait <strong>au</strong> loin. Ils ne reconnaissaient <strong>au</strong>cune <strong>au</strong>torité,<br />

professaient la relativité de toutes choses, et répétaient sans cesse le mot<br />

Vérité. Orgueilleux, ils pensaient avoir l’univers à leurs pieds ; et méprisant la<br />

sagesse divine, ils divinisaient la Nature. Par leurs habiles et f<strong>au</strong>sses maximes,<br />

ils gagnaient de proche en proche. Or voici qu’une nation d’hommes<br />

courageux, bien p.81 que faibles en nombre, leur déclarait la guerre ; la bataille<br />

s’engageait, les Cacouacs s’avançaient à grand fracas : peut-être <strong>au</strong>raient-ils<br />

été vainqueurs, si les <strong>au</strong>tres n’avaient eu un instrument redoutable : le sifflet.<br />

Sifflés, les Cacouacs vaincus fuyaient en débandade.<br />

Certains traits portaient juste : « L’origine <strong>des</strong> Cacouacs, si on les en croit,<br />

remonte jusqu’<strong>au</strong>x Titans, qui voulaient escalader le ciel ». — « <strong>Les</strong> Cacouacs<br />

étudient la nature en tout. Ils ne lui bâtissent point de temple, parce que cela<br />

<strong>au</strong>rait l’air d’un culte, et que les Titans leur ont laissé pour maxime qu’il f<strong>au</strong>t<br />

connaître et non adorer. » Comme titre supposé d’un de leurs livres : « Plan<br />

d’une religion universelle à l’usage de ceux qui peuvent s’en passer, et dans<br />

laquelle on pourra admettre une divinité, à condition qu’elle ne se mêle de<br />

rien. » Ajoutez <strong>des</strong> drôleries, <strong>des</strong> parodies, <strong>des</strong> citations choisies pour leur<br />

emphase, comme le : « Jeune homme, prends et lis », de Diderot, et vous<br />

<strong>au</strong>rez un exemple de la manière de Jacob Nicolas More<strong>au</strong>, dans son Avis utile,<br />

et dans son Nouve<strong>au</strong> mémoire pour servir à l’histoire <strong>des</strong> Cacouacs ; il eut du<br />

succès, fut imité, et déchaîna la colère <strong>des</strong> philosophes, qui voulaient bien<br />

user du ridicule, mais ne toléraient pas qu’on en usât contre eux.<br />

Bientôt ils allaient être mis sur la scène. Tout le monde connaît la comédie<br />

<strong>des</strong> Philosophes (1760), et comment Palissot caricatura Grimm, Helvétius,<br />

Diderot, Mlle Clairon, et en particulier Jean-Jacques Rousse<strong>au</strong> qui entrait sur<br />

la scène en marchant à quatre pattes, et qui tirait de sa poche une laitue. On<br />

connaît moins tout un travail de résistance et de contre-offensive. Abraham<br />

Ch<strong>au</strong>meix s’en prenait à l’ Encyclopédie, c’était la croisade de sa vie ; plein de<br />

verve et d’âpreté, il en discernait les points faibles ; il caractérisait l’esprit qui<br />

animait l’ensemble : « Je ne me suis pas mis en peine de m’informer si M.

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