17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 35<br />

donné à l’impression, à la sensation, une place qu’on ne leur avait pas encore<br />

reconnue. Je ne dois rien à la nature, disait Sterne à Suard, qui se demandait si<br />

ce bizarre Anglais ne se moquait pas de lui ; je dois tout à l’étude prolongée<br />

de quelques ouvrages : l’Ancien et le Nouve<strong>au</strong> Testament ; et Locke, que j’ai<br />

commencé dans ma jeunesse, et que j’ai continué à lire toute ma vie. Dans ce<br />

sens, Locke est à l’origine d’une littérature qui enregistre, cohérentes ou non,<br />

les réactions du Moi devant les phénomènes qui viennent le frapper, la<br />

littérature de l’impression, la littérature de la sensation.<br />

D’où vient une influence <strong>au</strong>ssi étendue que profonde ? d’où vient cette<br />

action qui apparaît partout ? Locke a préfiguré l’attitude que le <strong>siècle</strong> voulait<br />

prendre devant le problème de l’être. Elle procède de lui, la renonciation<br />

solennelle à l’incon naissable ; il procède de lui, le décret impérial De<br />

coercendo intra omnes imperio. Elle est sienne, l’idée que ce qui ne nous est<br />

pas utile ne nous est pas nécessaire ; le marin n’a pas besoin de plonger dans<br />

les gouffres de l’océan, il lui suffit de porter sur sa carte les écueils, les<br />

courants et les ports. Elle est sienne, où qu’il l’ait prise, l ’idée qu’il n’y a rien<br />

d’inné dans l’âme ; que nos idées abstraites, que notre raison même, sont le<br />

résultat <strong>des</strong> sensations qu’elle enregistre, et du travail qu’elle exerce sur elle.<br />

Elle est sienne, l’idée que la connaissance n’est que le rapport entre le s<br />

données que nous appréhendons en nous, que la vérité n’est que la cohérence<br />

de ce rapport. Elle est sienne, la réduction de l’homme à l’homme. Il est à la<br />

source de l’empirisme.<br />

<strong>Les</strong> porteurs de torches s’avançaient, la vérité allait sortir de ses retrai tes.<br />

Ils s’appelaient fièrement Amis du vrai, les Alétho philes. Sur une médaille<br />

dont l’avers représentait Minerve, ils faisaient graver leur devise Sapere<br />

<strong>au</strong>de : « Ose connaître ». Ils marchaient, « le regard libre et l’esprit plein de<br />

clarté 1 » :<br />

Et ce qu’avait produit l’ignorance grossière<br />

Disparaît <strong>au</strong> grand jour d’un <strong>siècle</strong> de lumière 2 .<br />

1 Wieland, Die Natur der Dinge, Erstes Buch, vers 77 et 78.<br />

2 Chabanon, Sur le sort de la poésie..., 1764.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!