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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 326<br />

les reproches adressés <strong>au</strong>x Français, les injures adressées <strong>au</strong>x Espagnols qui<br />

sont assez fous pour copier les ultramontains. Au bout du compte, on<br />

s’aperçoit que les seules oeuvres d’une qualité durable sont celles qui ont su<br />

traduire l’esprit de la nation : les saynètes de Ramon de la Cruz ; les comédies<br />

de Nicolas Fernandez de Moratin. L’action de l’étranger n’atteint ni la masse,<br />

ni la petite bourgeoisie, ni toute l’aristocratie, ni tous les écrivains, il s’en<br />

f<strong>au</strong>t ; elle s’arrête à un nive<strong>au</strong> qui est très vite atteint. Qu’on attaque la gloire<br />

espagnole : <strong>au</strong>ssitôt <strong>des</strong> défenseurs surgiront. C’est un épisode chargé de sens,<br />

que la querelle <strong>des</strong> critiques italiens et <strong>des</strong> Jésuites espagnols. Ceux-ci ont été<br />

chassés, avec quelle brutalité, nous l’avons vu ; ils se sont réfugiés pour la<br />

plupart en Italie. Or <strong>des</strong> Italiens reprennent le vieux reproche : que déjà,<br />

Sénèque et Martial avaient importé à Rome le m<strong>au</strong>vais goût qui avait fini par<br />

corrompre les lettres latines ; qu’<strong>au</strong>x temps modernes, Gongora avait<br />

continué. Là-<strong>des</strong>sus les Jésuites espagnols prennent la plume, les Pères Juan<br />

Andres, Tomas Serrano, Javier <strong>La</strong>mpillas ; oubliant, ces bannis, le tort que<br />

leur pays leur a fait, ils défendent ardemment l’honneur national. Un Jésuite<br />

expulsé, encore, le P. Juan Francisco de Masdeu, publie à partir de 1783 une<br />

monumentale Historia critica de Espana ; et dans le premier volume, il<br />

énumère les titres de gloire de son pays natal, en montrant qu’il tient ses<br />

mérites de son propre fonds, et non de l’étranger. Le fait est qu’on p.440<br />

n’entame pas si facilement la vieille Espagne, les traits de son caractèr e sont<br />

trop marqués pour qu’une mode passagère les efface. Qu’elle veuille<br />

demeurer elle-même, dans son indépendance farouche, c’est ce qu’elle<br />

montrera bientôt, dans sa lutte contre Napoléon.<br />

Il y a, <strong>au</strong> XVIII e <strong>siècle</strong>, un nationalisme anglais qui date de plus loin ; il y<br />

a un nationalisme français qui se manifeste avec éclat lorsqu’en 1765, de<br />

Belloy fait représenter le Siège de Calais. Le public appl<strong>au</strong>dit, pleure, crie <strong>au</strong><br />

chef-d’oeuvre ; moins à c<strong>au</strong>se de la valeur intrinsèque de la pièce que pour les<br />

émotions qu’elle soulève. « Voici peut-être la première tragédie française où<br />

l’on ait procuré à la nation le plaisir de l’intéresser pour elle -même. » Adieu<br />

les velléités de cosmopolitisme, quand il s’agit d’une patrie qui ne se confond<br />

plus tout à fait avec le roy<strong>au</strong>me :<br />

Je hais ces coeurs glacés et morts pour leur pays<br />

Qui, voyant ses malheurs dans une paix profonde,<br />

S’honorent du grand nom de citoyen du monde .....<br />

Mais nulle part ce sentiment ne fut plus vif que dans deux grands pays<br />

encore morcelés, où une littérature nationale a appelé la nation. Combien<br />

l’Italie était divisée, nous le savons ; à peu près toutes les espèces de<br />

gouvernement étaient représentées chez elle ; de l’une à l’<strong>au</strong>tre de ses<br />

provinces, ce n’étaient que frontières et douanes ; elle semblait composée de<br />

morce<strong>au</strong>x hétérogènes, qui jamais plus ne se rejoindraient. Pourtant elle<br />

prenait conscience de sa faiblesse politique ; elle souffrait, elle regrettait, et<br />

déjà elle espérait obscurément. Toute gallicisée qu’elle fût, elle tressail lait<br />

chaque fois que les Français, ou d’ailleurs un <strong>au</strong>tre peuple, la prenaient à

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