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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 294<br />

Montaigne a eu de se peindre, dit Pascal ; le charmant projet que Montaigne a<br />

eu de se peindre naïvement, comme il l’a fait, dit Voltaire. Il interpelle son<br />

adversaire ; comment un homme comme M. Pascal pouvait-il donner dans un<br />

lieu commun <strong>au</strong>ssi f<strong>au</strong>x que celui-là ? Il attaque son style, c’est du galimatias.<br />

Il en vient <strong>au</strong>x idées, cette idée est <strong>au</strong>ssi absurde que métaphysique, cette<br />

<strong>au</strong>tre est un peu indécente et puérile, cette <strong>au</strong>tre encore est d’un fanatique.<br />

L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur est que qui veut faire l’ange fait<br />

la bête, dit Pascal. Qui veut réduire les passions <strong>au</strong> lieu de les régler veut faire<br />

l’ange, dit Voltaire : et il sous-entend, goguenard, que Pascal fait la bête.<br />

Peu à peu se dégage, jusqu’<strong>au</strong> pathétique, le caractère irré ductible de<br />

l’opposition. D’un côté, ce s Pensées qui portent encore la trace du tourment et<br />

de l’effroi dans lesquels elles ont été conçues, ces fragments qui doivent leur<br />

densité à toute une expérience humaine, la vie libertine, l’inquiétude, la<br />

recherche, la maladie, la conversion, la science et l’érudition qui viennent <strong>au</strong><br />

secours de la foi ; et la joie <strong>au</strong>ssi de celui qui a enfin trouvé, de celui qui<br />

s’élance avec confiance vers le Christ <strong>au</strong>x bras étroits, de celui qui tient<br />

désormais les certitu<strong>des</strong> éternelles. D’un côté, le prosélyte qui prop ose à ses<br />

frères la p.398 solution que cette expérience douloureuse et triomphante a<br />

fournie à son âme libérée du doute. D’un côté, l’homme qui a revécu l’agonie<br />

du Mont <strong>des</strong> Oliviers, qui a gravi la pente du Golgotha. D’un côté, une<br />

explication religieuse du monde : la misère qui est en nous ; la mort qui nous<br />

appelle, prisonniers qui sortent de leur cachot pour être égorgés tour à tour ; la<br />

tare originelle qui nous vicie ; l’impossibilité où nous sommes de guérir ou<br />

seulement d’atténuer cette perversion q ui est <strong>au</strong> plus profond de notre être, et<br />

qui ne nous laisse d’<strong>au</strong>tre res source que de détourner la tête et que de nous<br />

divertir pour oublier. Notre grandeur, réminiscence et désir.<br />

<strong>La</strong> seule explication qui nous permette de résoudre cette contradiction et<br />

d’expliquer ce mystère : la religion chrétienne, notre condition heureuse<br />

lorsque nous sommes sortis <strong>des</strong> mains de Dieu, la liberté de choix qui nous a<br />

été donnée, le choix du péché, la rédemption. L’unique religion qui nous<br />

assure de la vérité parce qu’elle tient compte de toutes les données du<br />

problème ; parce qu’elle se prouve à la fois par la raison et par l’intuition ;<br />

parce qu’elle se confirme enfin par les prophéties et par les miracles.<br />

Ensemble dont toutes les parties se tiennent ; solution qui restitue un sens à<br />

notre <strong>des</strong>tin.<br />

Toutes visions d’un « misanthrope sublime », répond, en face, l’adversaire<br />

qui s’est lui -même suscité. Le sentiment du péché n’est qu’un préjugé parmi<br />

les <strong>au</strong>tres. Oui, nous souffrons quelquefois ; mais cette loi n’est pas si<br />

impérieuse qu’on n’arrive à l’adoucir. Un amour -propre nous a été octroyé<br />

pour la conservation de notre être ; d’aimables jouissances nous atten dent :<br />

Paris et Londres, villes opulentes et policées, ressemblent-elles à un cachot ou<br />

à une île déserte ? Aucune énigme ; l’homme est à sa juste place dans l’ordre<br />

de la création ; il n’est déraisonnable que lorsqu’il cherche à en sortir ; il doit<br />

accepter sa condition comme un fait : le sage n’ira pas se pendre parce qu’il

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