La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 93<br />
<strong>des</strong>truction de cette erreur soit totale : « <strong>La</strong> <strong>des</strong>truction pleine et entière d’une<br />
longue et importante erreur qui se mêlait à tout ; qui dénaturait tout, jusqu’à la<br />
vertu ; qui était un piège pour les faibles, un levier pour les puissants, une<br />
barrière pour les hommes de génie ; la <strong>des</strong>truction pleine et entière de cette<br />
imposante erreur, changerait la face du monde. »<br />
Ils ont eu moins d’influence qu’ils n’ont fait de bruit.<br />
Un contemporain, Pilati, déclare qu’il n’y a <strong>au</strong>cune partie du monde qui<br />
soit <strong>au</strong>ssi pleine d’athées et de déistes que l’Italie : même si l’expression de la<br />
<strong>pensée</strong> italienne ne nous montrait pas le contraire, la confusion qu’il fait entre<br />
déistes et athées suffirait à infirmer son dire. L’évolution de la psycho logie<br />
anglaise, loin de la conduire <strong>au</strong>x négations, la ramène à la foi. En France,<br />
Helvétius déclare que les théologiens ont tant abusé du mot matérialiste, qu’il<br />
est devenu synonyme d’esprit éclairé, et qu’il désigne les écrivain s célèbres<br />
dont les ouvrages sont avidement lus : ce n’est qu’un trait de polémique. On<br />
connaît cette anecdote : revenu à Paris comme secrétaire d’ambassade, Hume<br />
déclare dans un dîner qu’il ne croit pas qu’il y ait <strong>des</strong> athées, parce qu’il n’en<br />
a jamais vu un seul. Nous sommes dix-huit à table, lui répond son hôte ;<br />
quinze sont athées, les trois <strong>au</strong>tres ne savent que penser. Mais il était chez le<br />
baron d’Holbach. Tout l’effort <strong>des</strong> Aufklärer allemands tend à établir, non pas<br />
du tout l’athéisme, mais « eine vernünftige Erkenntniss Gottes », une<br />
connaissance rationnelle de Dieu.<br />
Si l’on ne demandait plus que l’on brûlât ces impies, leurs livres encore<br />
faisaient horreur. <strong>La</strong> Mettrie ayant dédié son Homme machine <strong>au</strong> savant<br />
Haller, celui-ci se jugea insulté et envoya <strong>au</strong> Journal <strong>des</strong> Savants, <strong>au</strong> mois de<br />
mai 1749, une protestation solennelle : « L’<strong>au</strong>teur anonyme de L’Homme<br />
machine m’ayant dédié cet ouvrage, également dangereux p.131 et peu fondé, je<br />
crois devoir à Dieu, à la religion et à moi-même, la présente déclaration, que<br />
je prie MM. les <strong>au</strong>teurs du Journal <strong>des</strong> Savants d’insérer dans leur ouvrage. Je<br />
désavoue ce livre comme entièrement opposé à mes sentiments. Je regarde la<br />
dédicace comme un affront plus cruel que tous ceux que l’<strong>au</strong>teur anonyme a<br />
fait à tant d’honnê tes gens, et je prie le public d’être assuré que je n’ai jamais<br />
eu de liaison, de connaissance, de correspondance, ni d’amitié, avec l’<strong>au</strong>teur<br />
de L’Homme machine, et que je regarderais comme le plus grand <strong>des</strong><br />
malheurs toute conformité d’opinion avec lui. » Haller était pieux ; mais<br />
d’Alembert, Frédéric II, Voltaire, ne l’étaient pas ; et ils réfutèrent Le système<br />
de la Nature.<br />
Contre les athées, les déistes argumentaient à profusion, contredisant leurs<br />
arguments l’un après l’<strong>au</strong>tre ; l’expérience prouve, dise nt les athées, que les<br />
matières que nous regardons comme inertes et mortes prennent de l’action, de<br />
l’intelli gence et de la vie, quand elles sont combinées d’une certaine façon : ce<br />
n’est pas vrai, disent les déistes. <strong>La</strong> matière et le mouvement suffisent à tout<br />
expliquer : ce n’est pas vrai. <strong>La</strong> matière est éternelle et nécessaire : ce n’est