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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 269<br />

Avouez-moi que vous aviez tous deux<br />

<strong>Les</strong> ongles longs, un peu noirs et crasseux,<br />

<strong>La</strong> chevelure un peu mal ordonnée,<br />

Le teint bruni, la pe<strong>au</strong> bise et tannée,<br />

Sans propreté l’amour le plus heureux<br />

N’est plus l’amour, c’est un besoin honteux.<br />

Bientôt lassés de leur belle aventure,<br />

Dessous un chêne ils soupent galamment<br />

Avec de l’e<strong>au</strong>, du millet et <strong>des</strong> glands<br />

Le repas fait, ils dorment sur la dure :<br />

Voilà l’état de la pure nature.<br />

Aujourd’hui, le plaisir s’offre à nous sous mille formes heureuses et<br />

délicates : nous jouissons <strong>des</strong> produits que le monde entier nous envoie ; les<br />

be<strong>au</strong>x-arts rivalisent pour charmer nos yeux ; nous habitons de belles maisons,<br />

nous nous promenons dans de be<strong>au</strong>x jardins ; à nous, les carrosses, les bains<br />

parfumés, les tables élégamment servies, les mets savoureux, le champagne,<br />

les petits soupers. Reconnaissons ce que nous ne s<strong>au</strong>rions nier sans<br />

hypocrisie ; que chacun de nous ose s’écrier :<br />

Le Paradis terrestre est où je suis.<br />

Entre les deux directions on hésitait, surtout quand il s’agissait de cas<br />

d’espèce. Utilité ou nuisance <strong>des</strong> lettres et <strong>des</strong> arts ? Il était vrai que ce produit<br />

de la richesse corrompait les moeurs ; que la corruption <strong>des</strong> moeurs c<strong>au</strong>sait la<br />

ruine <strong>des</strong> empires ; et non moins vrai que ce produit du goût embellissait les<br />

jours ; et que l’homme, sans les joies de la be<strong>au</strong>té, était le plus misérable <strong>des</strong><br />

anim<strong>au</strong>x. Si on abordait la question du luxe, on était perdu ; le premier venu<br />

saisissait sa plume, composait une apologie ou un réquisitoire ; radotages<br />

jamais finis, « mine inépuisable de sottises ». Le luxe était dangereux p.366 en<br />

soi, le luxe ne devenait dangereux que dans les États mal gouvernés. Il y avait<br />

deux luxes, l’un coupable et l’<strong>au</strong>tre vertueux. Deux luxes encore, l’un<br />

aristocratique et l’<strong>au</strong>tre populaire. Et deux encore, l’un commençant, qui était<br />

légitime ; l’<strong>au</strong>tre qui devenait illégitime à partir du moment où l’envie de<br />

briller poussait à se procurer <strong>des</strong> ornements qu’on ne pouvait plus payer.<br />

D’<strong>au</strong>tres concluaient qu’on discu tait bien vainement sur le luxe, puisqu’il était<br />

une réalité : bonne ou m<strong>au</strong>vaise il fallait l’accepter. Helvétius était pour les<br />

moeurs primitives, pour l’égalité <strong>des</strong> conditions, et po ur le luxe ; le baron<br />

d’Holbach était contre le luxe et pour la civilisation. Des sondages provoqués<br />

par une vaste enquête sur le primitivisme, et qu’on vient de pratiquer dans la<br />

littérature inférieure de l’Angleterre du XVII I e <strong>siècle</strong>, les romans populaires,<br />

les tracts à bon marché, les poèmes de poétastres, y révèlent la diffusion de la<br />

philosophie à la mode, obscurément acceptée dans toutes ses tendances ; et on<br />

n’a pas été peu surpris de trouver dans les mêmes oeuvres, côte à côte et fra -

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