anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
succession de l'héritage classique. Ainsi il remet indirectement le problème de l'art moderne à<br />
sa hauteur perdue. Il veut connaître son rôle, ses origines, sa direction, – sa direction surtout<br />
qui est l'élément le plus vital de tout art. Mais s'agit-il de la réhabilitation de cet art ? Oui et<br />
non. C'est bien simple, car tout d'abord, on ne saurait plus appliquer cet adjectif « moderne »<br />
aux œuvres crées il y a 30 ou 40 ans.<br />
Guillaume Apollinaire – ce tendre haut-parleur placé aux limites de la vie, aux confins de la<br />
mort, annonçant simultanément la naissance de l'esprit qui fut nouveau et le décès d'un âge<br />
que l'on croyait d'or, - n'avait-il pas à ce moment-là prononcé ces paroles de combat : « On ne<br />
peut par transporter partout avec soi le cadavre de son père. On l'abandonne en compagnie des<br />
autres morts. Et l'on s'en souvient, on le regrette, on en parle avec admiration. Et si l'on<br />
devient père, il ne faut pas s'attendre à ce qu'un de nos enfants veuille se doubler pour la vie<br />
de notre cadavre ». Paroles que ses contemporains ont l'air d'avoir oublié. Il s'agissait du<br />
temps d'Apollinaire d'un symbolisme rachitique et d'un Impressionnisme périmé ; pour nous –<br />
d'un surréalisme épuisé. Il faut donc, établir la ligne générale d'évolution de l'art moderne,<br />
trouver la pointe extrême de cet art, tâter le pouls de l'avant-garde vivante.<br />
Et classement d'abord. Il s'agit du bilan.<br />
L'heure est venue de prendre parti et d'avoir le courage de dire – Assez – on ne veut plus ni de<br />
morts, ni de mots. Ici gît le passé.<br />
Des voix commencent à s'élever un peu partout et c'est rare quand elles ne profèrent pas de<br />
menaces. Banni de l'extrême droite, attaqué par l'extrême gauche, l'art moderne, où depuis<br />
plus d'un siècle les cerveaux les mieux organisés se confondaient avec les rétines les plus<br />
prophétiques, se retire plus en plus de la scène historique, laissant ses éclatantes conquêtes, la<br />
proie des épigones, des ratés, des marchands et des politiciens qui les anéantissent<br />
définitivement. Étant déjà en état stagnant, la situation actuelle de la peinture s'aggrave de<br />
multiples querelles intestines. Signe des temps : M. André Breton, leader du parti surréaliste<br />
faisant l'année dernière une conférence à Prague s'indigne du fait que dans beaucoup de pays<br />
les œuvres abstraites se faufillent librement parmi les œuvres surréalistes orthodoxes et<br />
propose comme remède afin d'éviter cette mésalliance fâcheuse à ses yeux, d'estampiller les<br />
œuvres surréalistes d'un cachet spécial à la manière : « ceci est un film Paramount ».<br />
Cette convoitise paraîtrait plutôt ridicule que grave, si elle ne nous signalait pas la présence<br />
d'un malaise extrêmement profond – la confusion totale qui, dans le domaine pictural entrave<br />
tout développement possible et continue à projeter un discrédit permanent sur son état actuel.<br />
Or, ce qui constituait, je le répète, la grandeur unique de la peinture française du XIX e siècle à<br />
nos jours, contribuant ainsi au prestige universel de Paris – capitale de la beauté – c'est que<br />
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