27.10.2014 Views

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

désespoir ! Le nouvel esprit s’est donc révélé sous le signe des paradis artificiels et des<br />

fétiches nègres.<br />

Ayant réussi à exhumer les beautés de jadis – les arts et visions mortes de tous les<br />

peuples et tous les âges, des Pré-Raphaélites aux arts appelés préhistoriques et sauvages – il<br />

n’y a rien d’autre à faire qu’à rédiger une feuille équilibrée et balayer les cultures précédentes,<br />

et ouvrir la voie à l’art abstrait, qui ne sera pas long à apparaître. Le Cubisme a clairement<br />

tracé la frontière entre les deux civilisations, entre le millénaire et la période électrométallurgique<br />

qui commence de nos jours.<br />

Mais le Cubisme a péri dans le champ. C’est son mérite. Le dix-neuvième siècle arrivé<br />

à maturité aurait sans aucun doute reconnu en Brancusi son précurseur, le premier grand<br />

sculpteur authentique. Il est né loin de Paris sur le sol roumain, où le soleil n’est jamais<br />

assombri par la fumée des usines. Cependant sa rencontre avec la machine a été heureuse. Les<br />

réversions et réactions des villes manquaient. Et alors il n’a jamais eu confiance en la rouille,<br />

la moisissure, les trous et coins en tous genres, l’équivalent de l’amour romantique des<br />

châteaux en ruines – la poésie de l’agonie de l’hérédité féodale.<br />

L’héritage bourgeois de la civilisation urbaine donnait un avertissement contre la<br />

disparition de ces maisons, les petites agglomérations des villages, les quartiers ruraux, les<br />

banlieues, les petites villes, balayés inévitablement dan l’orbite des grandes villes, et piétinés<br />

impitoyablement par le nouvel ordre de vie. De là bondit le morbide, le désolé, le funeste,<br />

convulsif aspect des choses.<br />

Brancusi ne voit pas l’industrie qui empiète comme un ennemi, mais comme la base<br />

des formes artistiques futures. Il admire sa santé et sa force, il aime ses formes, d’une<br />

précision noble, d’une haute tension – ses surfaces polies et claires. Le travail qui est brillant<br />

et précis.<br />

Au lieu d’examiner l’art nègre comme les cubistes l’ont fait Brancusi se remémorait<br />

simplement les mémoires de l’enfance, la blancheur immaculée des églises roumaines peutêtre,<br />

la pureté de leur style merveilleusement libre et incongru, où l’art byzantin, romain et<br />

gothique se disputent leurs titres et positions avec le folklore.<br />

La gravité de son art a certainement ses sources ici. À la biologie factice il oppose la<br />

sûreté de l’instinct. La spontanéité à l’automatisme mécanique. À une enfance rêvée par de<br />

vieux hommes, il oppose le véritable primitif : l’attitude hiératique des vrais paysans qui sont,<br />

comme il l’a dit une fois lui-même, plus près de Dieu.<br />

82

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!