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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

connaissance, tendue par le diable, et ils ignorent de ce fait jusqu’à la notion même du péché<br />

plastique que l’on enseigne dans toutes les académies du monde. Ils savent seulement que la<br />

peinture les a sauvés, et qu’elle est leur seul et unique Eden, pour ne pas dire bonheur, extase<br />

et infini, ou appelez cela comme vous voudrez.<br />

Le Douanier Rousseau l’avoua un jour sans ambages : « Ce n’est pas moi qui peins,<br />

c’est quelque chose au bout de ma main… »<br />

Quoiqu’il en soit, le désir d’une fraîcheur première, la grande et ardente soif d’une<br />

pureté immaculée, bref ce qui s’est cristallisé sous le nom de « naïf » 11 – mot qui n’avait rien<br />

de péjoratif dans la langue française, avant que les détracteurs patentés de la peinture naïve ne<br />

le rendent tel – hantait néanmoins les esprits du monde entier depuis fort longtemps déjà,<br />

depuis le premier partage de l’histoire, amorcé avec l’avènement du machinisme.<br />

Aussi Diderot disait : « Tout ce qui est vrai n’est pas naïf, mais tout ce qui est naïf est<br />

vrai, d’une naïveté piquante, originale et rare. » Un peu plus tard, Stendhal notait dans son<br />

Journal, à la date du 16 Messidor, l’an XII (lisez : le 5 juillet 1804) : « La naïveté me semble<br />

le sublime de la vie ordinaire. » Que c’est loin, bien sûr, de ce mot « naïf » d’aujourd’hui<br />

qu’on vous balance à la figure, à la façon d’une gifle… Et ce n’est pas par hasard, que ce<br />

dernier s’intéressait aux vieilles chroniques italiennes, recherchait les romans populaires et se<br />

passionnait pour la fameuse Bibliothèque Bleue, que les colporteurs vendaient de village en<br />

village, mêlée aux complaintes populaires, les seules sources de la féerie d’alors. Chose<br />

curieuse, c’est que la mode et l’engouement pour les contes populaires oubliés, date, comme<br />

par hasard, de la fin du XVIII e siècle, lorsque, en 1785, le veuve Claude Barbou s’est décidée<br />

à publier, simultanément à Paris, Genève et Amsterdam, le « Cabinet des Fées » en 41<br />

volumes, une espèce de défense et d’illustration de la peinture naïve qui allait surgir quelques<br />

années plus tard, en effet.<br />

Tout être sensé, tout grand artiste, et de tout temps, savait et appréciait les trésors<br />

cachés de la naïveté. Des peintres aussi antagonistes, l’un romantique et l’autre classique, tels<br />

que Delacroix et Ingres arrivent à la même conclusion. Ecoutons-les :<br />

11 Le mot « naïf » provient, d’ailleurs, du mot latin « nativus », ce qui veut dire : ce qui naît. Les organisateurs de<br />

la Triennale de Bratislava lui ont préféré le mot « insitic », provenant à peu près de la même source latine. Est-ce<br />

pour échapper à ce côté péjoratif de « naïf » ? Mais tous les autres sobriquets, tels que les Impressionnistes, les<br />

Fauves, les Cubistes, etc. n’étaient-ils donc pas tout aussi péjoratifs au départ ?<br />

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