anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
JAKOVSKY Anatole, Les feux de Montparnasse, Peintres et écrivains, Paris,<br />
La Bibliothèque des Arts éd., coll. « Souvenirs et documents », 1957, p. 149-173.<br />
Cet extrait constitue un extrait du livre Les feux de Montaparnasse, peintres et écrivains. Il<br />
est révélateur des liens qui ont uni Anatole Jakovsky aux milieux d’avant-garde des années<br />
trente. De nombreux artistes sont convoqués dans ce texte : on trouve ainsi une description de<br />
l’atelier de Piet Mondrian. Les rapports de Jakovsky avec Hélion sont également soulignés.<br />
Mais déjà, plus avant encore (dans le temps, cette fois-ci), les peintres de la nouvelle<br />
génération, Jean Hélion en tête, recherchaient activement, quelque part du côté du Parc<br />
Montsouris, les bases d’une nouvelle réalité, d’un autre réel, conforme à notre époque, qui<br />
s’installera tôt ou tard sur les ruines de l’abstraction et du surréalisme réunis. Aussi riche et<br />
varié que Poussin ; aussi poétique que Seurat ; aussi implacablement construit que Mondrian.<br />
Cela pouvait sembler une gageure, une tentative impossible. Impensable. Et pourtant… La<br />
première exposition de Balthus, chez Pierre Loeb, éclatait comme une bombe !<br />
Quoi ? Après avoir exposé à longueur d’années les amibes et les protosoaires de Miro,<br />
on ose présenter des êtres humains, fantomatiques, soit, mais réels quand même, empreints<br />
d’un romantisme assez semblable à celui des Hauts de Hurlevent ? Quel scandale !<br />
C’est dans l’air, cependant. Francis Gruber allait au Louvre. François Desnoyer copiait<br />
les classiques. Rohner, qui habitait alors rue Delambre, c’est-à-dire au beau milieu des<br />
guitares écartelées et des cuisses écarlates, allait aussi au Louvre, comme toute la bande des<br />
Forces Nouvelles, l’entreprise la plus courageuse de son temps, patronnée par Héraut, la seule<br />
qui ait osé aller contre le courant. C’était trop tôt, hélas ! Beaucoup trop tôt. C’est pourquoi<br />
cela n’a rien donné en tant que mouvement. Leur premier manifeste, sous le titre de Nouvelle<br />
Génération, à propos d’une exposition d’ensemble, où, à côté de Lasne, Rohner, Humblot,<br />
Jannot et Héraut, ont figuré quelques jeunes qui ont fait du chemin depuis, et où, pour la<br />
première fois, se lisait la signature de Fougeron, avec un f minuscule, a fait quelque bruit à la<br />
veille de la guerre, mais la guerre était venue ; Lasne, le plus doué de tous, a disparu, l’exode<br />
et les brouilles ont achevé et dispersé fatalement ce groupe, sans grande chance de renaître<br />
plus tard.<br />
Michonze, enfin, ami de Soutine – en voilà encore un type pittoresque du Montparno<br />
cent pour cent – allait également au Louvre le dimanche, et pour cause : c’était le seul jour où<br />
l’on ne payait pas ! Il traînait la nuit dans les cafés, mais il travaillait de jour, dans son<br />
appartement de la rue de Chevreuse (meublé en Louis XV, du plus pur style Loubet, acheté<br />
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