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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

un tant soit peu leur rôle, et à plus forte raison que l’Amérique n’en a jamais eu d’autres. Ce<br />

sont leurs Fouquet et Clouet, Cranach et Holbein, Reynolds et Gainsborough.<br />

Puis, au fur et à mesure que la vie devenait plus clémente, et que l’homme s’appartenait<br />

davantage, grâce aux loisirs plus fréquents, il arrivait alors à d’aucuns, fermiers ou citadins,<br />

qu’importe, émus par le spectacle de la nature, de s’emparer à leur tour des toiles et des<br />

pinceaux et de brosser à leurs moments perdus, qui un couchant féerique sur le fond des<br />

montagnes, qui une neige immaculée, à perte de vue, qui sa propre maison avec des arbres en<br />

fleurs sur le devant, si ce n’est quelque évènement mémorable : un match de boxe, une<br />

escarmouche avec les indiens, des enterrements, le retour des troupeaux, que sais-je encore ?<br />

Quant à leurs femmes, elles préféraient nettement des natures mortes : des tables aux<br />

napperons brodés, croulant de victuailles de toutes sortes, quand ce n’étaient pas des tombes<br />

de leurs proches, avec un inévitable saule pleureur, qui leur tenaient visiblement le plus à<br />

cœur. Tout cela exécuté d’une façon primesautière et candide, pure et directe, sans tricherie<br />

aucune, tels qu’en eux-mêmes la lumière des tout premiers matins du monde les a une fois<br />

pour toutes fixés.<br />

Du reste, il y eût parmi eux, aux approches des années médianes de ce même XIX e siècle, un<br />

dénommé Edward Hicks, l’un des meilleurs, soit dit en passant, qui peignit un tableau en<br />

quelque sorte symbolique. Une espèce de Paradis Terrestre en l’occurrence, où le loup est<br />

couché auprès des brebis et où un enfant conduit tendrement, par le cou, un très gros lion,<br />

tandis qu’au loin, au bord d’une paisible rivière, un groupe d’hommes habillés à la La Fayette,<br />

devise avec les non moins nombreux peaux-rouges. Qui sait s’il ne voulait pas signifier par là,<br />

afin que nul ne s’y trompe, qu’il s’agissait effectivement de quelque Paradis Perdu ?<br />

Chose curieuse, dans ce même laps de temps, dans un autre tout aussi vaste pays, bien qu’à<br />

l’autre bout de la planète et tout ce qu’il y a de différent, de surcroît, par rapport à ces Etats-<br />

Unis en marche, donc en Russie des tsars, il y existait toutefois un art non moins florissant et<br />

non sans rappeler à bien des égards, le leur.<br />

L’un des plus grands romanciers russes, Nicolas Gogol, contemporain ou presque d’Edward<br />

Hicks, ne décrit-il pas, dans son récit « Le Portrait » (tiens, tiens…) une drôle de boutique qui<br />

se trouvait alors dans l’impasse Shchukine à Moscou, spécialisée uniquement dans la vente<br />

des gravures, des icônes à bon marché, des images populaires, ces fameux « loubkis » russes,<br />

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