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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

phénomène insolite et tragique, c’est un art aux ondes extrêmement courtes et fines, c’est un<br />

fait spécifique dans sa solitude infinie, si propre à tous les arts des époques de transition, car<br />

l’art de Miró, c’est, non pas seulement le commencement, mais la fin, l’épilogue d’une<br />

sentimentalité, d’un cycle de la peinture qui a débuté par les sourires impressionnistes, si<br />

galants et si désirables, par tout un registre de nuances de la chair féminine. De l’époque de<br />

l’amour avant tout, Miró l’achève. La limite est microbiologie de l’amour.<br />

Miró découvre la première, égale dernière chaleur, la première, égale dernière lueur<br />

humaine, première et dernière jouissance du protoplasme d’âme ; il peint les mouvements<br />

insaisissables de cette amibe d’âme. C’est le langage secret des zones érogènes. L’orgasme et<br />

la mort sont ses sujets. Oui c’est plutôt le déclin de cette âme vieillie qui a atteint son point<br />

culminant, sa grande joie dans l’œuvre des Impressionnistes.<br />

Aujourd’hui ce sont les maisons en pleine démolition, dressant vers le ciel indéfini de<br />

Paris leurs cellules calcinées, leurs parcelles de papiers peints déchirés…<br />

Vous – les collages de Miró ! Les empreintes digitales, les sillons et les taches d’une<br />

autre vie disparue. Edifice éphémère et fragile restituant par instants très rares, à l’heure des<br />

traces, tout ce qui existait, ce qui existe malgré tout, toute la structure intérieure de la vie des<br />

chambres aux couleurs singulières dépourvues de chromos, tous les restes des murs, réunis<br />

par des traits avares du fusain, par le dessin très simple et encore tiède des cheminées qui<br />

traversaient jadis les idylles des chambres. Toute une autre vie monophase, mais heureuse,<br />

renfermée ici entre quatre murs – vie de tous ceux qui allaient danser les dimanches…<br />

Autrefois, il y avait des sentiments et des gestes.<br />

Maintenant, il n’y a que des formes abstraites qui gardent les souvenirs d’un sourire,<br />

d’une joie, d’une larme. Il n’y a plus rien. Une couleur, une tache, une ligne, c’est tout. C’est<br />

la beauté fragile des fragments.<br />

C’est la petite beauté des souvenirs qui sont parfois plus grands que la vie.<br />

Paris, janvier 1934.<br />

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