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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

de tranquillisants. L’auteur semble ignorer par-dessus le marché que les fous ont aussi existé<br />

depuis que le monde est monde, sans que l’on s’extasie, heureusement, sur leurs<br />

balbutiements. Il est vrai qu’il range aussi Edgar Tytgat par mi les naïfs.<br />

A quel titre ? Pourquoi ? Qu’a-t-il à faire ce fin, ce racé, ce savant expressionniste<br />

flamand parmi tous ceux qui peignent comme les oiseaux chantent ? Quelle misère…<br />

Toujours est-il que la seconde ligne de partage entre ce qui est naïf et ce qui ne l’est<br />

pas, donc entre l’art et la folie, entre la peinture naïve et l’art brut, passe justement au niveau<br />

de la raison, saine d’un côté, malade, de l’autre. Je sais, je sais que les frontières sont parfois<br />

incertaines, les interférences jouent dans un sens comme dans l’autre, mais quand même !...<br />

L’art naïf n’ayant jamais été ni un banal passe-temps, comme d’aucuns voudraient le croire,<br />

ni un délire, mais plutôt une nécessité, une nécessité historique.<br />

Même l’Union Soviétique, où la peinture naïve était plus ou moins proscrite en vertu<br />

de la doctrine stalinienne de Jdanov, a réhabilité, elle aussi, son grand naïf Georgien Niko<br />

Pirosmanichwili, en lui faisant dernièrement une grande exposition posthume au Musée<br />

Pouchkine de Moscou – consécration suprême, réservée d’ordinaire à des gloires incontestées<br />

–, tout en éditant par ailleurs un ouvrage important sur une paysanne ukrainienne, Cathérina<br />

Bilacour, dont les bouquets se rapprochent étrangement de ceux de Séraphine, si ce n’est du<br />

peintre yougoslave Siročič.<br />

En réalité, tout se passe comme si ces apparitions, ces migrations et ces mutations,<br />

ainsi que ces fêtes et ces trépas, obéissaient à certaines lois, lorsque, à un moment donné, face<br />

à la destruction systématique du visible, on éprouve soudain un besoin impérieux de revoir le<br />

monde tel qu’il est. Et l’ère des évasions dominicales commence aussitôt !<br />

Pour anéantir le monde ancien dont on ne voulait plus, frappé d’interdit, l’Art<br />

Moderne a brisé donc d’abord le miroir où il se reflétait depuis des siècles, puis il l’a<br />

remplacé par de la matière, sans âme, sans rêves, sans illusions. La matière morte, en quelque<br />

sorte, contre de la nature-morte. Ou le robot contre le roseau pensant. Ne croyez surtout pas<br />

que je suis contre. Je suis plutôt pour ; il s’agit de tout autre chose, voilà tout. Est-ce qu’on<br />

peut comparer une chaumière à un gratte-ciel ? Une rose au calcul différentiel ? Le positif et<br />

le négatif du même processus historique ?<br />

Or, et aussi étrange que cela puisse paraître, ledit Art Moderne, pour arriver à ses fins,<br />

a procédé exactement de la même façon, comme si rien n’était changé depuis ce chasseur<br />

anonyme d’Altamira ou de Lascaux, lequel, pour mieux abattre sa proie, mammouth ou bison,<br />

tuait au préalable son double, bref son image, tracée et peinte sans doute par lui-même sur les<br />

parois des grottes préhistoriques, qu’il criblait de lances et de flèches.<br />

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