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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Musée d’Art Moderne. On envisageait une exposition à tout casser dans une galerie<br />

renommée de la rive droite… On promettait une monographie. Puis, après des vagues et des<br />

vagues, la calme plat. Il est vrai que la guerre n’allait pas tarder. On ne parlait plus ni de<br />

Gondouin ni de Berger. La monographie honnête et consciencieuse, écrite par J. de la<br />

Frégonnière parût après la guerre quand on n’en avait plus besoin. Exit Gondouin.<br />

Je n’étais donc pas étonné de ce que, à notre première rencontre, après plus de deux mois de<br />

mon absence passés à Damgan, Delaunay ne soufflât pas un mot de Carnac.<br />

Damgan… Où est-ce ? Qu’avez-vous vu, qu’avez-vous fait ? C’était bien ?<br />

Passant brusquement à un autre sujet qui le préoccupait alors. Quelque chose d’absolument<br />

formidable, une chimère du moment à mettre en train tout de suite. De mon côté, je me suis<br />

abstenu de lui dire quoi que ce soit de ce que je savais. Cette peine inutile…<br />

Cher grand enfant attardé ! un pur naïf, dans toute l’acception du terme.<br />

Je me suis souvenu, il n’y a pas longtemps de ce que j’appelle maintenant « l’épisode de<br />

Carnac » lorsque je prenais le Cisalpino, à destination de Milan, le dernier roman d James<br />

Hadley Chase, acheté au kiosque à journaux de la gare de Lyon. Un homme confortablement<br />

habillé, sans recherche apparente, comme savent le faire les anglais, ne cessait de le lorgner.<br />

Je le lisais, le reposais quand le paysage sans cesse changeant m’intéressait davantage que<br />

cette intrigue policière, de sorte que le portrait de l’auteur imprimé sur le dos de la couverture<br />

finit par attirer mon attention. Une tête connue… Où avais-je vu cette tête ? Celle de mon visà-vis<br />

? Une implantation de cheveux identique, une moustache. Ne seriez-vous pas Monsieur<br />

Chase ? Vous vous trompez, ce n’est pas moi, prononcé précipitamment avec un fort accent<br />

anglo-saxon, et il se leva se dirigeant vers le wagon-restaurant. S’il descend à Lausanne, c’est<br />

lui, pas de doute, car il habitait cette ville. Eh oui, il est descendu à Lausanne, me faisant un<br />

signe de la main, agrémenté d’un bon sourire à la Delaunay qui voulait dire : je t’ai eu, mon<br />

vieux ! Son geste était de ceux qui font refleurir les jasmins d’antan…<br />

Je ne me trompais pas toutefois sur le couple de Delaunay. Pour moi, il reste et restera l’un<br />

des plus grands créateurs de l’Art Moderne. Tel Rimbaud, il vécut son étincelle d’or de la<br />

lumière nature!<br />

Guillaume Apollinaire, à cette poque des Fenêtres de Delaunay, à l’époque où d’aucuns, et<br />

pas parmi les plus bêtes, hésitaient entre lui et Picasso, a su comme nul autre, ni avant ni<br />

après, trouver un parfait équivalent verbal de cette lumière s’épanouissant à travers le prisme<br />

solaire :<br />

Du rouge au vert tout le jaune se meurt<br />

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