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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

JAKOVSKI Anatole, « Qu’est-ce donc que la forme ? », Cahiers d’art, Bulletin<br />

mensuel d’actualité artistique, Paris, Cahiers d’art éd., n°, 1935, p.71-72.<br />

Cet article marque le terme d’une collaboration fructueuse avec les Cahiers d’art. Anatole<br />

Jakovsky y développe, sous la forme d’une question inaugurale, une véritable pensée<br />

historiographique qui cherche à établir des parallèles entre la société qui lui est<br />

contemporaine et l’art moderne.<br />

Qu’est-ce donc que la forme ?<br />

La forme d’une œuvre d’art est « inséparablement liée à son contenu. » Ce n’est que<br />

l’unité dialectique de la forme et du contenu qui fait une œuvre d’art et qui la distingue de la<br />

matière morte. Un caillou, par exemple, forme pure, ou bien un objet-outil (forme utilitaire,<br />

fonctionnelle), fait par l’homme pour faciliter son travail, sont des « formes » sans contenu,<br />

sans cette charge émotionnelle transmise par la création artistique nécessaire, et qui ne<br />

peuvent jamais devenir les haut-parleurs d’une certaine idéologie. Une locomotive, un rocher<br />

introduit dans un tableau, devient déjà conducteur d’une certaine tendance. Le chois d’objets<br />

et les divers moyens de leur représentation, qui sont naturellement variables, reflètent toujours<br />

la vision de l’époque.<br />

Le rocher de Léonard est un indicateur de l’étendue ; le rocher de Courbet est la<br />

description la plus exacte de la structure optique de ce rocher.<br />

La roue dentée peinte sur une toile est le manifeste de la nouvelle beauté industrielle.<br />

Les formes sculpturales imitant les formes d’art préhistorique ou primitif marquent le<br />

mécontentement de l’artiste du présent ; elles sont des refuges abritant son angoisse, elles sont<br />

les transferts de son désir de se réfugier ou dans l’enfance de la race ou dans la neutralité<br />

primitive. Inversement, le seul contenu d’une œuvre, un acte artistique quelconque, où<br />

manque la forme, ne sont pas des œuvres d’art au même titre que les objets.<br />

Les objets, l’artiste les tire du néant, il les charge de son énergie émotionnelle ; il les<br />

repeint, les déplace, les déforme, change leur voisinage et leurs relations ; transfusant sa force,<br />

il les déplace dans notre rétine et notre conscience. Et cette dépense d’énergie nécessaire à la<br />

reconstruction perpétuelle du monde est le seul secret d’immortalité relative des objets d’art.<br />

Rien ne se perd. Ce sont des accumulateurs de l’énergie psychique, et l’émotion réfractée<br />

qu’ils puisent à travers les âges, est directement proportionnelle à celle dépensée au moment<br />

de leur création.<br />

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