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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

recroqueville sous l’haleine chaude des fourneaux. Ce n’était là qu’un pressentiment<br />

poétique ; il eût pu ajouter qu’elle devait un jour se durcir sous le regard inquisitorial des<br />

plasticiens purs.<br />

Il ne suffisait plus aux peintres du début du siècle de chanter l’heure qui fuit ni de<br />

teindre parfois aux couleurs du crépuscule les objets familiers en signe de protestation<br />

sentimentale : il s’agissait de donner du monde d’acier et de béton, du monde mécanisé une<br />

image adéquate. Le tableau sera aussi précis, aussi construit, aussi nettement exécuté qu’une<br />

mécanique capable de marcher. Il faudrait ici ouvrir une large parenthèse au sujet de la<br />

technique du tableau de chevalet, qui, se substituant à la fresque, au début de la Renaissance,<br />

apporte avec lui non seulement une nouvelle esthétique, mais aussi un nouveau langage<br />

plastique.<br />

Aux vastes compositions narrant la création du Monde, les péchés humains ou<br />

l’histoire de Dieu, exécutées largement, symboliquement, sans que le superflu enlève la force<br />

de l’expression (et la couleur y est chaude et lumineuse, et la ligne dynamique) succède une<br />

vision purement rationnelle et descriptive fouillant la nature dans ses retranchements les plus<br />

intimes et voulant la transporter telle quelle sur la toile dans sa fourmillante réalité. Cette<br />

peinture n’a qu’un seul but : identifier le plus possible le tableau à l’ouverture d’une fenêtre,<br />

brèche béante trouant le mur et ouverte sur la vie, et de la circonscrire par conséquent par un<br />

cadre.<br />

Inutile d’insister sur le rôle joué par la perspective, le trompe-l’œil, etc. Cette peinture<br />

tendait à l’exactitude visuelle ; elle fut belle quand le peintre avait du génie, mais la<br />

photographie une fois née, n’en démontrait pas moins son inutilité. Ingres fut le dernier à<br />

pouvoir encore s’écrier : « C’est à cette exactitude que je voudrais atteindre ! ». De plus cette<br />

peinture exigeait une technique minutieuse, des procédés d’exécution coûteux et beaucoup de<br />

temps. C’est une peinture d’époque stable, au développement lent et bourgeois. Or, c’est le<br />

temps lui-même qui s’est chargé de condamner cette peinture de trompe-l’œil. En accélérant<br />

de plus en plus son rythme, à partir justement des soupirs de Baudelaire, le peintre simplifie<br />

de plus en plus sa technique, et tend vers les formes plus elliptiques, plus rapides à tracer et à<br />

comprendre. L’industrie lui vient en aide en créant les couleurs en tubes. Finies les<br />

préparations savantes, les broyage de couleurs lent et épuisant. Finie l’alchimie secrète des<br />

ateliers… L’impressionnisme est la conséquence directe de cet état de choses. Je n’insiste pas<br />

sur ce fait (qu’André Lhote a longuement étudié) que cette nouvelle école substitue une part<br />

de sensation instantanée à un art classique de conception à priori.<br />

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