anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
Bernheim, l’une des plus en vue à Paris d’entre les deux guerres, ni le succès de bon aloi des<br />
premiers peintres naïfs connus, pour ne citer que Séraphine, Bombois, Vivin et Bauchant, ni,<br />
enfin, la consécration posthume exemplaire, plus qu’éclatante de Rousseau, devenu petit à<br />
petit, malgré lui, la saint patron de tous les naïfs d’où qu’ils viennent… Quelque chose<br />
comme un tombeau géant du soldat inconnu recevant des honneurs pour et à la place de tant et<br />
tant d’autres anonymes, tombés insépultes en cours de route !<br />
Certes, il s’est tenu aussi, en 1937, à Paris, à l’instigation du conservateur du musée de<br />
Grenoble et patronnée par le marchand de tableaux Wilhelm Uhde, une autre exposition<br />
d’envergure – curieux comme les millésimes de ces deux manifestations-là ont coïncidé avec<br />
les millésimes des expositions Universelles ! – où il réunissait autour de ses « poulains »<br />
habituels, comme de juste, quelques-uns des peintres naïfs de moindre intérêt, tous français,<br />
auxquels il a ajouté, on se demande pourquoi Utrillo, les présentant cette fois non pas en tant<br />
que peintres naïfs, mais sous une étiquette plus clinquante, celle de : Maîtres populaires de la<br />
Réalité. Qu’est-ce à dire ? C’est que W. Uhde, le premier marchand en date de Rousseau, il<br />
faut lui rendre cette justice, pris au jeu, mais se voyant distancé par des marchands plus<br />
importants que lui, pour ne mentionner que Ambroise Vollard et Paul Guillaume, a dû se<br />
rabattre sur ces quatre peintres précédemment cités, devenus tous « grands » par ses soins,<br />
donc récupérés peu après par le commerce international, à commencer par sa propre servante,<br />
Séraphine, qu’il a laissé faire interner à l’hôpital psychiatrique de Clermont dès qu’elle ne<br />
pouvait plus peindre et dont il donne dans ses publications, une fausse date de son décès, du<br />
simple fait qu’il ne lui a rendu plus aucune visite depuis. Qu’à cela ne tienne… W. Uhde<br />
passe néanmoins pour le créateur de l’idée naïve, lui qui, en élitiste conséquent, ne voulait<br />
même pas en entendre parler, trop occupé par l’écoulement de ses propres marchandises,<br />
stockées patiemment. Merci, merci beaucoup, disait-il quand on voulait lui présenter quelque<br />
peintre naïf intéressant ; les miens me suffisent amplement…<br />
A-t-il profité du moins de cette exposition ? Y a-t-il vendu plusieurs de ses tableaux ? Aucune<br />
importance, puisque ayant bénéficié d’un certain succès d’estime, mêlé à une vague curiosité<br />
sans plus, elle fut reprise tour à tour par des galeries et des musées de Zürich, de Londres et de<br />
New York, mais là, on était déjà fin 1939, ce qui explique – et comment ! – que, bientôt, on<br />
n’en parlera même plus, et la peinture naïve retombera de nouveau dans l’oubli. C’était trop<br />
tôt. Beaucoup trop tôt… Sauf aux Etats-Unis où cette exposition présentée au Museum of the<br />
Modern art de New York, servira de détonateur pour le déclenchement d’une véritable<br />
244