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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

C’est vrai, nous avons assisté à la fin d’un monde, d’un monde tel qu’il se reflétait jusque là<br />

dans les miroirs des anciens tableaux. Sous nos yeux, en l’espace seulement des vingt<br />

dernières années, l’accélération de l’Histoire aidant, la terre entière a changé bien plus que<br />

pendant les siècles précédents. En laissant fatalement un vide derrière elle. Une vacance. Une<br />

absence. Or, la peinture l’avait pressenti, se voilant anxieusement la face. Inconsciemment,<br />

elle se conformait, sait-on jamais, à une coutume non moins superstitieuse, quand, dans la<br />

maison où il y avait un mort, ses proches retournaient les glaces contre le mur ou, à défaut, les<br />

recouvraient d’un crêpe ou d’un drap. Une façon comme une autre de lui adresser un dernier<br />

adieu.<br />

C’est ce qu’ont fait, précisément, certains peintres abstraits, prenant la relève des cubistes, qui<br />

leur revenait de droit, chacun cherchant à sa façon la quintessence de cette absence, le dernier<br />

mot de ce silence qui ne pouvait être qu’une seule couleur, donc ces monochromes, en<br />

l’occurrence, préfigurés, il y a belle lurette, cependant, par les carrés « suprématistes » de<br />

Malevitch ; noir sur blanc et blanc sur blanc, le véritable nirvâna pictural ou appelez-le<br />

comme il vous plaira. Le même que voient, pourquoi pas, les yeux clos du Bouddha, assis<br />

sous son éternel parasol, dans la posture du lotus…<br />

A ce sujet, il ne serait pas inutile, n’est-ce pas, d’évoquer un autre précurseur hors pair que fût<br />

Alphonse Allais (1855-1905), homme de lettres et humoriste « noir » quasiment génial, tant<br />

ses visions du futur touchaient à la voyance.<br />

Non satisfait pourtant d’avoir inventé les sculptures mobiles – bras et jambes qui bougent,<br />

fusils qui tirent, est-ce qu’on sait ? – dont, en toute modestie, il attribuait la paternité à un<br />

quidam américain, cela va de soi, bien que Calder n’était pas encore né – ni ses « Ovnis »,<br />

Allais continua néanmoins ses recherches, dans une autre direction cette fois, se consacrant<br />

presque entièrement au problème de la peinture monochromoïdale, car assurait-il, une toile<br />

blanche et un seul tube de couleur devraient suffire à un peintre de génie. Génie ou pas, mais<br />

c’est en approfondissant cette idée qu’Alphonse Allais finit par concevoir toute une série de<br />

ses tableaux portant les titres suivantes : « Manipulation de l’ocre par les cocus ictériques »,<br />

« Première communion des jeunes filles chlorotiques pendant un temps de neige », « Stupeur<br />

des jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée ! », qu’il exposa<br />

d’abord au Salon des Incohérents, cousin pauvre du Salon des Indépendants, avant de les<br />

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