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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Il crée donc des arbres, des corps, des visages, et la mer. Les pierres et le ciel. Les<br />

roches et le ressac. Il pétrit, mases et brasse la couleur avec avidité, sensuellement,<br />

amoureusement pourrait-on dire, mais une fois encore, c’est moins pour chanter la surface, la<br />

vaine parure des choses, que pour faire ressortir ce qu’il y a de caché derrière : un regard ou<br />

un rai de soleil perçant à travers les nuages et riconchant déjà sur les vagues qui s’enflent au<br />

loin.<br />

Ce sont les jouets de son enfance, en quelque sorte, les jouets dont il a été privé ; ce<br />

sont ces amphores fabuleuses qu’il réussit à dérober aux glauques profondeurs. Miracle ! Leur<br />

vin est intact. Aussi fort, aussi capiteux qu’au premier jour. Perrenoud n’a pas vécu en vain. Il<br />

laisse derrière lui, quoi qu’il arrive, quelque chose qui restera.<br />

Cela paraît étrange de prime abord, insolite et déconcertant. Comme tout ce qu’on<br />

appréhende pour la première fois. Jugez vous-même : le nez avance, le front et les pommettes<br />

se bombent, les orbites se creusent et les lèvres s’entr’ouvrent, bien ourlées, bien charnues.<br />

On peut même passer la main dans les cheveux. Glisser les doigts sous le menton…<br />

Vous l’avez deviné, il s’agit d’un de ses portraits peints par Perrenoud en relief. Ici,<br />

l’illusion n’existe pas. Tout cela est obtenu non par quelque effet d’optique, comme dans le<br />

cinéma de même nom, mais par la masse même de la couleur qui sculpte et modèle son sujet,<br />

tout en étant son propre objet. Car forme et sujet ne sont qu’un chez Perrenoud.<br />

C’est long, très long parfois, cette transfusion dans la couleur de tout ce qu’il sait et de<br />

tout ce qu’il sent. Le portrait de sa fille lui a pris trois ans de travail. Il vient seulement de le<br />

terminer, de mémoire. Or, d’ores et déjà, il vit. Ou plutôt elle, sa fille, qui jouit de ce fait de ce<br />

rare privilège jusqu’ici réservé aux seuls rois et reines, saints et saintes, héros et grandes<br />

courtisanes. Et elle vivra longtemps encore, de cette vie immobile et silencieuse, la seule qui<br />

nous survive. La seule qui ait quelque chance d’affronter l’indestructible, l’impérissable. Le<br />

fameux Golem tchèque, on a dû le tuer, le pauvre, puisqu’il a réellement vécu. Mort, il se<br />

survit dans sa légende.<br />

Est-ce pour cela que Perrenoud ne peint jamais l’ombre ? Sans doute. Que ferait-il,<br />

c’est vrai, de ces illuminations factices qui passent et qui glissent, puisque le soleil même doit<br />

se coucher tous les jours ?<br />

Ce sont en effet ses formes qui les projettent. Quant à la lumière – SA lumière – elle<br />

est toute intérieure.<br />

La même chose pour les paysages de sa chère Bretagne, où l’océan gronde, où les<br />

vagues écument ou se couchent dociles à ses pieds, et où les rochers sont ce qu’ils sont, c’està-dire<br />

de vrais rochers, durs et palpables. Touchez-les. Passez votre main. Là, encore une fois.<br />

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