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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

JAKOVSKI Anatole, Vingt-trois gravures : Arp, Calder, Chirico, Erni, Ernst,<br />

Fernandez, Giacometti, Ghika, Gonzalez, Hélion, <strong>Kandinsky</strong>, Léger, Lipchitz,<br />

Magnelli, Miró, Nicholson, Ozenfant, Picasso, Séligmann, Taeuber-Arp,<br />

Torrès-Garcia, Vulliamy, Zadkine, Paris, G. Orobitz éd., 1935, 4 p., 23 pl. de<br />

gravures originales.<br />

Ces Vingt-trois gravures devaient être initialement au nombre de vingt-six : Robert Delaunay<br />

a refusé d’y participer, Piet Mondrian n’a pas entrevu la possibilité de créer sans couleur(s)<br />

et Marcel Duchamp n’a jamais envoyé sa gravure. Elles sont précédées d’un poème<br />

d’Anatole Jakovsky dans lequel il prophétise la guerre qui approche.<br />

Il allait être deux heures du matin. Une rafale de sons inattendus traversa les couches<br />

paisibles de l’air, faisant frémir les murs et réveillant tout être humain, pâle et tremblant,<br />

l’âme remplie jusqu’aux bords de cette sonorité inusitée. Les sirènes hurlaient…<br />

Les essaims d’avions invisibles perforaient le ciel et la ville en état d’alerte était pour la<br />

première fois plus sombre que le ciel.<br />

Je le voyais ce blanc blême, éternel, telle une glace portée à la bouche expectante afin de<br />

saisir les dernières empreintes de vie.<br />

Je voyais la cruelle agonie de la pierre. Les rues se tordre et les feux jaillir de leurs gorges<br />

coupées. Les corps aux auréoles solennelles de sang. Les femmes, les hommes, les enfants,<br />

l’acier, les bêtes, le goudron mêlés tous ensemble, richement endiamantés de verre. Partout.<br />

Immobiles. Et puis ce silence.<br />

Un petit nuage au zénith, aux bords très roses, arrosés par l’action indirecte de la lune, se<br />

dissout lentement, précipitant la poudre d’étoiles fatiguées. Je l’interrogeais longuement cet<br />

horizon de Paris, cet horizon crénelé subitement endolori ; je me demandais en vain à quel<br />

rythme, à quelles grandes lois de l’univers il obéissait à ce moment.<br />

L’arbre suit les dessins des nervures de ses paumes vertes, le destin de l’homme croise les<br />

faits divers et s’incline devant la ligne crépitante de son cœur, une goutte de pluie suffit à<br />

agrandir démesurément l’amertume latente d’un paysage ; les fenêtres lucides et opaques<br />

s’allument et s’éteignent alternativement. C’est l’amour qui ferme les yeux ; il a tout vu. Et<br />

puis tout s’éteint d’un seul coup.<br />

Les tableaux ayant ce ciel de naissance et nourris par la même nuit, quelle autre échappée que<br />

celle de la mort peuvent-ils offrir au spectateur terrifié ?<br />

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