anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
faisant autorité dans la matière. Ce qui n’est pas, comme de bien entendu, le cas de tant et tant<br />
de barbouillages à peine lisible, de balbutiements à peine audibles, choisis, toutefois, pour<br />
porter le coup de grâce à la joie de vivre des tableaux naïfs, destinés à éteindre leurs soleils, à<br />
effacer leurs sourires et nous forcer à retourner par la même occasion, dans la nuit, le noir, le<br />
néant !<br />
Or, ce sont eux, les fous, qui gisent désormais dans un drôle de cénotaphe, tout noir à<br />
l’intérieur, sans lumière du jour, sans fenêtres, et qui s’appelle le Musée de l’Art Brut. Il<br />
ressemble à s’y méprendre à ces musées Dupuytren en miniature des anciennes baraques<br />
foraines, qui présentaient des monstres et des morceaux anatomiques malades dans des<br />
bocaux remplis de formol.<br />
On aura tout vu… Parce que, cracher sur les musées, et finir par les envahir, cela ressemble<br />
plutôt à un canular.<br />
Parce que, pour eux, et c’est là où le bât les blesse, le dernier outrage, la suprême injure, et la<br />
plus virulente des insultes est de traiter la peinture naïve non seulement d’art culturel, mais<br />
aussi d’Art des Musées ! Soit. D’accord. Cela ne s’invente pas… Merci ! C.Q.F.D. La vérité<br />
ne sort donc pas seulement de la bouche des enfants. Ah ! les malheureux, ils ne savaient pas<br />
si bien dire !<br />
Quelqu’un a dit que la culture est ce qui demeure quand il ne reste plus rien. Ainsi les naïfs.<br />
Oui, ces naïfs, dépositaires d’on ne sait quel noyau primordial de la vision humaine et de<br />
l’angélisme de l’être contre lesquels ni les idées, ni les techniques, ni la mode, ni les<br />
révolutions, ni les guerres, pas plus que les catastrophes naturelles et le mouvement infini des<br />
astres ne peuvent rien.<br />
Mais où, si ce n’est à Nice, au bord de la Baie des Anges, si bien nommée, que les naïfs<br />
vilipendés, trahis et incompris pendant si longtemps, trouveront, enfin réunis, le meilleur, le<br />
seul havre de grâce qui leur sied, afin d’y répéter, tous en chœur, dans les siècles à venir, ces<br />
vers d’Apollinaire, qui fleurent bon le mimosa, le romarin et la mer :<br />
Un tout petit oiseau<br />
Sur l’épaule d’ange<br />
Ils chantent la louange<br />
Du gentil Rousseau !<br />
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